Arrivé en Suisse il y a sept ans pour monter un pôle, unique en Europe, de recherche et de traitements autour de l'immunothérapie en partenariat avec l'UNIL, l'EPFL et l'Institut Ludwig pour la recherche contre le cancer, George Coukos est l'un des plus grands spécialistes de ce nouveau type de traitement.
Invité de La Matinale de la RTS mardi, il est revenu sur les espoirs que suscite cette technique qui stimule le système immunitaire du patient pour l'aider à reconnaître et éliminer les cellules cancéreuses, tandis que la chimiothérapie, elle, détruit directement les cellules, au prix d'effets secondaires importants.
"On peut traiter tous les types de tumeurs"
"On prélève dans le corps du patient des cellules du système immunitaire, puis on les reprogramme en dehors du corps, au laboratoire. On les réintroduit alors dans le corps pour lancer la bataille contre le cancer", explique le spécialiste. "La technique est encore expérimentale et son indication encore petite. Elle est notamment approuvée pour traiter les cancers du sang, mais le champ de recherche est énorme. On peut envisager de traiter tous les types de tumeurs".
Pour lui, le but de l'immunothérapie est de supplanter la chimiothérapie. "Je pense que dans le futur, on verra un remplacement progressif de la chimiothérapie par l'immunothérapie. On va démarrer avec elle, et après seulement, on traitera les patients qui n'y répondent pas avec la chimio".
370'000 francs par patient
Mais il y a un hic: l'immunothérapie coûte très cher. Quand bien même ses résultats sont prometteurs, la question de son remboursement par les caisses maladie fait polémique.
"Pour la leucémie, le coût d'une immunothérapie qui vient des pharmas est de près de 370'000 francs par patient", concède George Coukos. Les traitements expérimentaux fabriqués en laboratoire, eux, coûtent nettement moins. "Pour le mélanome, ça nous coûte jusqu'à 5000 francs, auxquels il faut ajouter le coût de l'hospitalisation", ajoute le chef du service d'immuno-oncologie du CHUV. Dans ce deuxième exemple, il estime que les coûts totaux se montent à 150'000-200'000 francs par partient.
C'est la même évolution pour toutes les autres technologies. Elles commencent par être extrêmement coûteuses, puis les coûts deviennent raisonnables
"Il s'agit de thérapies sophistiquées, mais je pense que leur coût va diminuer avec l'avancée de la technologie. De plus, il ne faut pas oublier de calculer le coût global de la prise en charge du patient", se défend George Coukos, qui explique que l'immunothérapie mène souvent à une rémission totale pendant plusieurs années. "La chimiothérapie n'est peut-être pas elle-même coûteuse, mais ses conséquences le sont, par exemple les rechutes ou complications liées", avance le spécialiste.
Pas peur d'une médecine à deux vitesses
Il ne craint pas l'émergence d'une médecine à deux vitesses dans le domaine de la lutte contre le cancer. "Ici au CHUV, on propose l'immunothérapie à tous les patients. Il faut réfléchir au moyen de la démocratiser, pour pouvoir la distribuer à tout le monde. L'idée est qu'avec l'avancée de la technologie, on pourra la distribuer dans des pays moins riches que la Suisse. C'est la même évolution pour toutes les autres technologies. Elles commencent par être extrêmement coûteuses, puis les coûts deviennent raisonnables".
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Vincent Cherpillod