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Les capteurs électroniques des autos, utiles à la police et à la justice

Les boîtes noires des voitures peuvent s'avérer utiles mais ces informations suscitent aussi la méfiance.
Les boîtes noires des voitures peuvent s'avérer utiles mais ces informations suscitent aussi la méfiance. / 19h30 / 2 min. / le 23 juillet 2019
Equipées parfois jusqu'à 80 capteurs électroniques, nos voitures sont aujourd'hui des ordinateurs. Pour la police et la justice, les données collectées peuvent s'avérer précieuses pour éclaircir les causes et les circonstances d'un accident, mais d’éventuelles dérives inquiètent.

Surnommés "témoins silencieux" dans le jargon, les boîtiers électroniques surveillent constamment les faits et gestes des véhicules, du démarrage moteur à la pression d'huile. En plus de ceux-ci, de plus en plus de voitures sont équipées d'une boîte noire logée dans le système Airbag (dite "module enregistreur de données d'événements, EDR) qui se déclenche en cas d'accident et retient une quinzaine de paramètres.

"Durant les cinq secondes qui précèdent l'accident, l'EDR enregistrera la vitesse du véhicule, deux fois par seconde, la position de l'accélérateur, si les freins étaient actionnés [ou encore] si la ceinture était attachée", explique dans le 19h30 Martial Giobellina, analyste d'accidents au Dynamic Test Center près de Bienne.

Procédure non systématique

A la demande de la justice, la police peut extraire les données récoltées, jusque dans les clés de l'automobile. "Lors d'accidents, beaucoup de conducteurs remettent en cause le véhicule ou disent qu'ils n'ont rien fait de mal", ajoute Marial Giobellina. "Ce genre d'appareils permet de confirmer si le véhicule a bien eu un problème ou s'il s'agit d'une erreur humaine."

A Neuchâtel, l'extraction des données en complément du constat d'accident sur le terrain est une procédure toujours plus courante. "La police y a recours quand il y a un accident avec lésions corporelles graves ou des suites mortelles, uniquement", précise son porte-parole cantonal, Georges-André Lozouet. "Ce n’est donc pas systématique car ça demande beaucoup de moyens."

Le flicage des conducteurs inquiète

Face à la multiplication de capteurs numériques, le préposé valaisan à la protection des données Sébastien Fanti redoute une surveillance généralisée des automobilistes. "Le fait que l'on puisse prendre connaissance des circonstances qui ont conduit à un accident ne me pose aucun problème. Par contre, si on avait la possibilité de voir si dans les six ou douze mois qui précèdent l’accident, j’ai eu un comportement qui était conforme aux règles de la circulation routière, là, ça me choquerait."

Les autorités assurent ne pas établir un profil de conducteur sur la base des données. Ce qu’en font les constructeurs, par contre, reste flou.

>> L'interview de Julien Broquet, vice-président de l'Automobile Club Suisse (ACS) :

Julien Broquet "Le consommateur ne se rend pas compte de toutes les informations enregistrées pour être utilisées."
Julien Broquet "Le consommateur ne se rend pas compte de toutes les informations enregistrées pour être utilisées." / 19h30 / 2 min. / le 23 juillet 2019

Julien Guillaume

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Pas toujours facile d'accéder aux données du module EDR

Aux Etats-Unis, le "Federal Driver Privacy Act" fixe depuis 2015 des règles précises pour l’accès aux données des boîtes noires EDR par les enquêteurs. Il stipule que ces informations appartiennent aux constructeurs ou aux propriétaires de véhicules. Mais une cour de justice, par exemple, peut exiger l’accès à ces données dans certaines conditions.

En Europe, et en Suisse, pas de telles dispositions légales pour l’instant. Le constructeur est libre de fournir ou non ces données à la police et la justice, même en cas d’accident grave. Mais ça pourrait changer. Le Parlement européen se penche actuellement sur un projet de loi qui va dans le sens de la réglementation américaine. S’il est accepté, il s’appliquerait par ricochet à la Suisse.