Initiative nationale de numérisation
Face aux projets de Google, le président français Nicolas
Sarkozy avait annoncé lundi que la France consacrerait 750 millions
d'euros à numériser les contenus de ses musées, de ses
bibliothèques et de son patrimoine cinématographique. "Il n'est pas
question de laisser ce patrimoine partir", avait-il prévenu.
La semaine précédente, le ministre français de la Culture,
Frédéric Mitterrand, avait fait part au vice-président de Google,
David Drummond, "de la préoccupation de la France devant les
projets de l'entreprise américaine en matière de numérisation de
livres". Aux Etats-Unis, un juge doit examiner le 18 février un
accord révisé entre Google et un regroupement d'auteurs et
d'éditeurs américains.
Ce jugement, très attendu en France, mais aussi en Europe, où
selon les éditeurs français il pourrait faire tache d'huile, met un
coup d'arrêt à l'expansion de Google dans le pays.
Objet du litige: le vaste programme lancé par le géant américain
de l'internet de numérisation de livres, conservés notamment dans
de prestigieuses bibliothèques anglo-saxonnes, pour son projet de
bibliothèque numérique universelle.
Au total, selon les estimations, Google aurait déjà numérisé 10
millions d'ouvrages dans le monde.
Contrefaçon
Le tribunal de grande instance de Paris a estimé qu'"en
reproduisant intégralement et en rendant accessibles des extraits
d'ouvrages" sans l'autorisation des ayants-droit, "la société
Google a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au
préjudice" des éditeurs.
Les plaignants étaient le groupe La Martinière, qui contrôle les
éditions du Seuil, et le Syndicat national de l'édition
(SNE).
Le tribunal a "interdit à Google la poursuite de ces agissements
sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard". Google a un
mois pour se mettre en conformité.
Amende de 300'000 euros
Par ailleurs, Google devra payer 300.000 euros de dommages et
intérêts aux éditeurs du groupe La Martinière. Les éditeurs
demandaient 15 millions d'euros de dommages et intérêts.
Le groupe d'édition avait assigné le site en justice il y a trois
ans, constatant que Google avait numérisé, sans son autorisation,
des centaines d'ouvrages, et qu'il permettait aux internautes
d'accéder à la reproduction complète des couvertures des ouvrages
ainsi qu'à des extraits.
Si les éditeurs ont salué le jugement comme "une grande victoire
pour le droit à la création", Google France a de son côté annoncé
son intention de faire appel.
Google minimise l'importance du jugement
Le responsable juridique de Google France, Benjamin du Chaffaut,
a souligné que la décision concerne "uniquement les ouvrages de La
Martinière" et ne constitue pas "une injonction générale
d'interdiction de référencer tous les ouvrages de tous les
éditeurs".
Pour l'avocate du groupe, Me Alexandra Neri, le jugement
"constitue deux pas en arrière pour les droits d'accès des
internautes au patrimoine littéraire français et mondial" et "met
la France en queue du peloton de l'internet".
Lors de l'audience en septembre, l'avocat de La Martinière, Me
Yann Colin, avait jugé la numérisation entreprise par Google de
système "illégal, dangereux et dommageable aux éditeurs".
afp/ak