Changer de voiture et opter pour un véhicule émettant moins de CO2, est-ce un geste véritablement écologique? Pour Lucien Willemin, conférencier et auteur du livre "En voiture Simone", l'impact écologique d'un véhicule ne se limite pas à ce qui sort du pot d’échappement.
A ses yeux, "c'est surtout à la fabrication qu'une voiture pollue. On commence par raser des forêts en Amazonie pour accéder aux matières premières comme la bauxite, par exemple, pour fabriquer l'aluminium. Et on utilise des filières chimiques pour les textiles et les plastiques, ce qui entraîne des rejets toxiques dans les eaux, les airs et les terres. Donc à chaque fois qu'on change de voiture, on a un impact négatif et significatif sur le vivant".
Trop de difficultés pour réparer
Réparer une voiture permet également de stimuler l’économie locale en faisant travailler les garagistes. Encore faut-il que la voiture soit réparable, car aujourd’hui l'électronique est très présente. "La formation de mécanicien n’est plus adaptée, il faut savoir réparer l'électronique", confirme Patrice Viatte, garagiste à Neuchâtel.
Celui-ci dresse un autre constat: la conception des véhicules les rend moins facilement réparables. "Aujourd'hui, il faut souvent changer des pièces entièrement alors qu'on pourrait réparer une soudure par exemple, mais les boîtiers et les systèmes sont souvent collés et difficilement accessibles."
Les devis des garagistes sont donc souvent dissuasifs et les offres et primes pour changer de voiture sont attrayantes. Et il faut prendre en compte la dévaluation, souligne Lucien Willemin, car "une voiture neuve perd 30% de sa valeur dès que vous tournez la clé. Donc, sur un véhicule à 20'000 francs, avant même le premier kilomètre, vous avez déjà perdu 4000 francs. C'est souvent plus que ce que vous aurait coûté la réparation de votre ancienne voiture".
L'exportation, "un non-sens écologique"
Chaque année en Suisse, 100'000 voitures sont désimmatriculées et nombre d'entre elles partent à l’exportation, un non-sens écologique pour Lucien Willemin: "Ces voitures continueront à polluer ailleurs et même plus que chez nous car elles échappent aux contrôles et aux expertises. La meilleure chose à faire est d’inciter les automobilistes à conserver leur véhicule jusqu’au bout."
Mais les politiques actuelles prennent une direction diamétralement opposée. De plus en plus de cantons veulent créer des zones environnementales nécessitant la vignette CRIT'air. Les restrictions de circulation y sont activées si les taux de pollution de l'air mesurés excèdent les seuils fixés. Une solution qui ne va pas dans le bon sens pour Lucien Willemin: "L'écologie n'a pas de frontière, il faut accepter de polluer plus chez nous pour polluer moins ailleurs et surtout limiter notre impact sur le vivant."
Katia Bitsch/boi