C'est l'ex-directeur de la recherche à la Commission européenne, Robert-Jan Smits, qui a mis un coup de pied dans la fourmilière avec son plan dit "Open Access". "Seuls 15% des résultats de la recherche financés par de l'argent public sont disponibles immédiatement pour le public. On a peu progressé parce qu'il y a d'énormes intérêts financiers dans ce domaine", relève-t-il.
Le marché de la publication pèse 15 milliards d'euros par année, et il est dominé par un petit nombre d'entreprises "qui font pas mal de profit", précise Robert-Jan Smits.
Dans ce système actuellement dominant, l'argent des contribuables est redistribué aux scientifiques via les agences de financement. Il sert aussi aux universités à payer les abonnements aux revues... des journaux fermés au public et à la communauté globale non abonnés.
Chercheurs suisses favorables
Le plan européen, appelé Plan S, entrera en vigueur en Europe en 2021. En Suisse, le Fonds national pour la recherche scientifique vise déjà 100% de publications en libre accès. Cette situation a été reçue plutôt favorablement par la plupart des chercheurs.
"Tout le monde est d'accord pour affirmer qu'il faudrait davantage publier en open access. Mais, en pratique, le système bouge très lentement. Il y a beaucoup de conservatisme et d'intérêts différents. Donc je pense qu'à ce stade-là, forcer la chose et aller de l'avant est important et pertinent", explique le professeur associé à l'Université de Lausanne (UNIL) Marc Robinson-Rechavi.
La publication est aussi souvent le moteur de la carrière des chercheurs. Pour Sophie Martin, professeur ordinaire à l'UNIL, la question du libre accès n'est pas la seule. "Il y a toujours des questions sur l'audience, qui va lire le travail? Quel niveau de prestige vise-t-on? Cela reste des questions importantes dans une carrière scientifique qu'on ne peut pas ignorer".
Une chance pour la société civile
Le bénéfice d'une telle démarche devrait ainsi retourner à la société civile. "Concrètement, cela veut dire qu'un enseignant qui donne un cours, par exemple sur le cancer du sein, va pouvoir accéder au dernier article scientifique à ce sujet et en discuter avec ses élèves, ou des patients qui souffrent d'une maladie rare vont pouvoir se plonger dans cette littérature alors qu'aujourd'hui ce n'est presque pas possible", explique le biologiste et historien à l'Université de Genève Bruno Strasser.
A ce jour sur internet, il existe déjà plus de 13'000 revues en accès libre. La révolution pour une science plus ouverte a commencé.
Aurélie Coulon /jfe