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Nouvel indicateur pour prévenir les méfaits de la pollution de l’air

Pollution de l'air : la seule mesure de concentration des particules fines n'est pas suffisante pour protéger les populations
Pollution de l'air : la seule mesure de concentration des particules fines n'est pas suffisante pour protéger les populations / 19h30 / 2 min. / le 12 novembre 2019
Aujourd’hui, on utilise une échelle de concentration en particules fines pour donner l'alerte. Cette échelle de mesure ne serait pas suffisante pour protéger au mieux la population des risques sanitaires, selon certains scientifiques.

L'air ambiant contient des particules fines et ultrafines dont l'origine est soit naturelle, érosion des sols par exemple, soit humaines. Avec le trafic routier, les émissions du chauffage au bois ou au mazout et les pollutions industrielles, les particules invisibles que nous respirons peuvent être nocives. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution de l'air aux particules est responsable de 4,2 millions de morts prématurées par année dans le monde. Des concentrations limites journalières ont été fixées par l'OMS selon le diamètre de particules: 50 microgrammes/mètre cube d'air pour les particules PM10 et 25 microgrammes/mètre cube d'air pour les PM2,5. Cette échelle considère donc que toutes les particules ont la même toxicité, quelle que soit la source.

Pas complètement satisfaisant, selon une communauté internationale de scientifiques qui s'attelle à trouver une échelle complémentaire pour anticiper les risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires. "On sait que l'indicateur de concentration en particules est mal corrélé avec les effets de santé à court terme qui surviennent lors d'épisodes de pollution atmosphérique", affirme Gaëlle Uzu, chercheuse à l'Institut des Géosciences de l'Environnement de l'Université de Grenoble. "C'est pourquoi des laboratoires européens développent des nouvelles métriques d'intérêt sanitaire qui sont plus proches des conditions physiologiques, pour pouvoir mieux protéger et prévenir la population."

Le pouvoir oxydant des particules augmente l'inflammation

L'équipe a développé une méthode pour mesurer directement la toxicité des particules. On sait aujourd'hui que les particules très fines sont responsables d'un stress dans les poumons. Lorsqu'elles sont inhalées, elles provoquent une oxydation néfaste pour les cellules, puis une inflammation à l'origine des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Les chercheurs utilisent ce potentiel oxydant comme indicateur de toxicité. Ils ont élaboré un test basé sur un fluide pulmonaire artificiel. "L'idée de cette méthode est de reproduire le contact entre les particules et le milieu pulmonaire", explique Gaëlle Uzu. "On regarde si les particules conduisent ou non à une oxydation du fluide." Cette oxydation sert donc de marqueur de risques pour les poumons.

Reste à valider cette nouvelle métrique. Une étude épidémiologique est en cours à Grenoble chez une quarantaine de familles. Elles sont suivies médicalement depuis plusieurs années et des séries de mesures du potentiel oxydant sont effectuées dans leur environnement.

Recherche en Suisse

En Suisse aussi, on participe à l'effort de recherche. A Lausanne, une équipe de chercheurs pionniers dans le domaine a été la première à développer un boîtier pour mesurer en direct le potentiel oxydant de l'air ambiant. "On utilise un test où l'air échantillonné est amené vers un milieu réactionnel", décrit Guillaume Suarez, responsable de l'Unité Ingénierie Environnementale à Unisanté Lausanne. "Grâce à un spectrophotomètre intégré, on mesure le changement de couleur du milieu pour calculer le potentiel oxydant."

Les chercheurs lausannois prévoient de déployer des boîtiers à Lausanne dès 2020. En Suisse, en France et ailleurs, la communauté scientifique se mobilise pour valider ce nouvel indicateur d'impact de la pollution sur la santé. Le but à terme étant de le standardiser et d'améliorer les mesures sanitaires de prévention.

"Potentiel de lésion sur le poumon"

Interrogé dans le 19h30, Laurent Nicod, chef service pneumologie du CHUV, président de la société suisse de pneumologie, relève qu'"on sait que les particules fines péjorent l'asthme, passablement de maladies chroniques et inflammatoires et qu'il faut absolument les éviter. Leur contenu est complexe, il y a souvent des carcinogènes à même d'induire des tumeurs". "Toutes les substances qu'on inhale ont un potentiel de lésion sur le poumon".

"Pouvoir faire des analyses plus précoces et plus rapides des différentes particules qu'on inhale, soit sur le lieu de travail, soit sur le lieu public, c'est quelque chose qui peut vraiment être utile", explique-t-il encore.

"La pollution qu'on a dans nos villes a nettement diminué, même si c'est toujours un problème. Mais habiter à proximité d'un grand axe routier reste une cause d'asthme qui peut apparaître à tout âge", conclut le médecin.

>> Son interview complète dans le 19h30 :

Laurent Nicod: "Toutes les substances qu'on inhale ont un potentiel de lésion sur le poumon."
Laurent Nicod: "Toutes les substances qu'on inhale ont un potentiel de lésion sur le poumon." / 19h30 / 2 min. / le 12 novembre 2019

Aurélie Coulon

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