Quand on aime, on ne compte pas. Pour jouer aux derniers jeux vidéo en qualité optimum sur son ordinateur, il faut y mettre le prix. Près de 2000 francs pour un PC tout équipé. La console de salon est moins chère. Comptez tout de même 300 francs pour une Playstation 4 et 200 francs pour une Xbox One.
Aujourd'hui, Google propose avec Stadia d'avoir la même qualité graphique, mais sur un smartphone, une tablette, une TV ou votre vieil ordinateur. Un vieux rêve de joueur. Comment ? Simplement en proposant de jouer en streaming, directement sur les serveurs du géant américain. On appelle ça le “cloud gaming”.
La technologie n'est pas nouvelle. Les Français de Shadow ont notamment ouvert la voie. Mais c'est la force de frappe de Google qui fait la différence. Vous regardez une vidéo d'un jeu sur Youtube. Et hop. Vous avez un lien pour y jouer directement dans le navigateur Chrome, qui annonce plus de 750 millions d'utilisateurs par mois.
L'incontournable streaming
Évidemment, une nouvelle technologie apporte son lot de problèmes. Pour le lancement, certains codes d'activation arriveront en retard, la plateforme sera disponible uniquement dans 14 pays au lancement (USA, France, mais pas la Suisse), il n'y aura pas de partage familial ou encore le Chromecast classique ne fonctionnera pas tout de suite. Pire. On ne pourra pas jouer en 4G et il faudra une connexion internet d'au moins 35 Mbit/s pour profiter pleinement des graphismes en 4K.
Mais l'intérêt du lancement est ailleurs. Dans le modèle économique choisi par Google pour rentabiliser son service. S'il est possible d'accéder gratuitement au service (les jeux sont payants à l'unité), il faut débourser 9,99 euros par mois pour jouer en qualité optimum et recevoir régulièrement des jeux.
Comme Apple, Amazon ou Facebook, Google a une énorme base d'utilisateurs. Une communauté qu'il s'agit désormais de faire passer régulièrement à la caisse, en proposant de nouveaux produits. Une fois attrapé dans l'univers Google, l'entreprise vous propose régulièrement des services payants. Mais pas à l'unité. Sur abonnement. Pourquoi ?
Dans un premier temps, il est évident qu'un abonnement représente une entrée d'argent régulière. Rassurant pour les investisseurs. Le public est désormais prêt à souscrire un abonnement en ligne. Spotify et Netflix ont converti le grand public. La mécanique de paiement en ligne est désormais bien établie. En Suisse, plus de 8 milliards de francs sont dépensés chaque année dans l'e-commerce.
Double monétisation
La technologie du nouveau service de Google met également fin au marché de l'occasion. Impossible de revendre un jeu. On passe d'un modèle de propriété, où le client dispose de l'objet ou du fichier informatique, à un modèle d'accès. En se désabonnant, le client se retrouve les mains vides.
L'utilisateur est aussi captif de l'abonnement. Il l'utilise régulièrement. Sans le savoir, le client fournit également un second revenu à l'entreprise. Son comportement. Chaque interaction laisse une trace. Ces données peuvent être revendues. "Ces systèmes de cloud gaming ou de streaming ont l'avantage supplémentaire pour les prestataires d'avoir un flux de données important et constant. Ce qui permet à l'entreprise de les revendre ou de les utiliser pour faire de la publicité ciblée", affirme Yaniv Benhamou, avocat et chargé de cours en droit de la propriété intellectuelle et la protection des données à l'Université de Genève.
Un espoir? "On parle d'un droit à portabilité des données dans le règlement européen sur la protection des données (RGPD). Peut-être bientôt aussi dans le droit suisse. Cela permet à l'internaute de prendre son paquet de données utilisateur. C'est-à-dire les données sous-jacentes collectée durant l'utilisation du service. Pour les transporter vers un autre prestataire ou un autre cloud gaming."
En attendant, les principaux concurrents de Google dans le cloud gaming fourbissent leurs armes. Microsoft sortira son service en 2020 et Sony dispose déjà du PlayStation Now. Mais les deux services nécessitent l'achat d'une console de salon.
Pascal Wassmer
Au moins ça fonctionne !
Mais les promesses ne sont pas toujours tenues. Les premiers utilisateurs sont pour le moins partagés. Les graphismes déçoivent. La 4K ne ressemble pas à de la 4K, il y a quelques problèmes de contraste de l’image et certains décalages apparaissent entre la manette et l’écran (comme vous le voyez sur ce tweet). Parfois, il devient compliqué de contrôler son personnage.
here is my Google Stadia review in one GIF.
this is on The Washington Post's Gigabit Ethernet last week. pic.twitter.com/qexEv6vyUD
— Gene Park (@GenePark) November 18, 2019
Il ressort également des réseaux sociaux une impression de précipitation de la part de Google. Les joueurs ont parfois l’impression d’avoir une « beta » entre les mains. Par exemple, pour jouer de façon optimale, il est nécessaire de brancher la manette avec un câble. Il y a également peu de jeux disponibles pour le lancement.
La force du système dématérialisé de Google est de pouvoir faire des mises à jour. Le travail peut commencer.