"La parole des patients doit améliorer la prise en charge au sein de l'hôpital"

L'invitée de La Matinale - Béatrice Schaad, nouvelle professeure titulaire à l’Institut des Humanités en médecine
L'invitée de La Matinale - Béatrice Schaad, nouvelle professeure titulaire à l’Institut des Humanités en médecine / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 9 min. / le 29 novembre 2019
Transformer des témoignages de souffrance en outils de formation: Béatrice Schaad, cheffe de la communication du CHUV, décrit vendredi à la RTS sa stratégie pour replacer l'humain au coeur de l'hôpital.

"J'ai l'impression d'être un steak, on m'a traité comme un bout de viande": certaines plaintes de patients enregistrées par le bureau des doléances du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne révèlent un ressentiment profond à l'égard du dispositif hospitalier. "L'hôpital accueille ce qui se passe plus largement dans la société, avec une incivilité relationnelle et une violence qui n'existaient pas il y a dix ans", admet Béatrice Schaad, cheffe de la communication du CHUV, fraîchement nommée professeure titulaire à l’Institut des Humanités en médecine. "Et le statut du médecin - et des professionnel de la santé en général - a eux aussi changé."

Sa discipline vise à remettre l'humain au centre d'une pratique médicale devenue parfois trop technique, déshumanisée. "Ce qui nous intéresse, c'est la relation. Les difficultés existent des deux côtés, des patients comme des soignants. Un nombre croissant de professionnels viennent nous dire qu'ils rencontrent des difficultés sérieuses dans la relation avec les patients", raconte Béatrice Schaad au micro de La Matinale vendredi.

Complexité et technicité

Les professionnels de la santé se disent notamment déstabilisés par la tendance des patients de s'informer sur leur propre santé, via des applications numériques, notamment. "Les patients arrivent en consultation avec des données sur leur santé, ce qui chahute la relation avec le professionnel, pas habitué à se trouver face à un patient qui revendique une expertise", explique Béatrice Schaad. "Cela demande une adaptabilité du professionnel sans doute plus importante."

La médecine est également devenue incroyablement complexe, avec une attraction très forte vers la technologie, qu'il faut contrebalancer, décrit la responsable. La fragmentation et la complexité du système font passer le patient d'un professionnel à un autre. "Pendant son hospitalisation, un patient est pris en charge par une moyenne de 44 à 75 professionnels", détaille Béatrice Schaad. "Il faut pouvoir suivre son histoire pour être adéquat avec lui ou elle. Ca donne une idée de la complexité du travail."

Paroles de patients pour améliorer le dispositif

Côté patients, l'augmentation des exigences suit la courbe ascendante des primes d'assurance maladie, note Béatrice Schaad. "On est dans un contexte particulier en Suisse, avec un mixte d'établissements publics et de cliniques privées. Cela mène à une concurrence très forte: on demande aux professionnels d'être de super bons techniciens, d'être excellents sur la relation, mais aussi d'être de bons hôteliers. Ca fait beaucoup pour un seul métier!"

Dans la formation aux étudiants dispensée par Béatrice Schaad, l'emphase est mise sur l'analyse des témoignages. Ceux des patients et des proches, mais aussi ceux des professionnels, sur ce qu'ils vivent à l'hôpital. "On a une institution académique qui a décidé de donner de l'importance à la parole des patients pour améliorer la prise en charge", conclut la responsable.

Propos recueillis par Xavier Alonso/kkub

"Entendre l’insatisfaction des patients pour améliorer la médecine", leçon inaugurale de Béatrice Schaad le lundi 9 décembre au CHUV à Lausanne.

Publié Modifié