Intoxiqué en septembre 2004, alors qu'il était candidat de
l'opposition à la présidence, Viktor Iouchtchenko a d'abord été
soigné à Vienne. Puis il a fait appel en décembre de la même année
au professeur Jean-Hilaire Saurat, des Hôpitaux universitaires de
Genève (HUG), qui a assuré la coordination du traitement par la
suite.
"Il est complètement inhabituel pour un médecin de divulguer des
données sur un patient", a souligné le dermatologue genevois en
introduction de la conférence de presse. Mais il a accepté de le
faire sur demande expresse de la présidence ukrainienne.
Une médecine au service de la politique
Cette présentation poursuit un double objectif. D'une part,
alors que l'Ukraine se trouve en période pré-électorale pour la
présidentielle prévue en 2009, faire taire les allégations de
certains opposants mettant en doute l'empoisonnement du
président.
D'autre part, informer la communauté scientifique des avancées
réalisées dans le traitement de tels cas, très rares donc méconnus.
Comme les tests l'ont montré, Viktor Iouchtchenko a bel et bien été
empoisonné, par une dose unique de dioxine de 2 à 5 ml.
Une quantité qui aurait dû être mortelle. Le président doit
peut-être la vie au fait d'avoir vomi tout de suite après
l'absorption. Il a présenté une concentration de dioxine jusqu'à
10'000 fois supérieure à la quantité admise pour un être
humain.
Un traitement sur mesure
La substance toxique s'est attaquée au foie, au pancréas et à la
peau, provoquant des lésions cutanées sur tout le corps. Au pire
moment, vers le printemps 2005, le président était complètement
défiguré. C'est à cette période que l'équipe du professeur Saurat,
avec l'appui du médecin traitant ukrainien Rostyslav Valikhnovskyi,
a commencé à cibler un traitement efficace.
Jusqu'ici, il était admis que la dioxine, qui se stocke dans les
tissus graisseux, ne pouvait être éliminée du corps. Or les
médecins ont découvert que les lésions cutanées, formant comme une
tumeur ou un corps étranger, ont absorbé et "digéré" la dioxine,
protégeant les organes du malade, a expliqué le professeur
Saurat.
ats/hoj
Un patient courageux
L'équipe médicale a identifié une enzyme qui agit comme un détonateur contribuant à faire disparaître la dioxine.
Elle a mis en évidence pour la première fois la présence de dioxine hydroxylée, éliminée par l'urine et les selles.
Le traitement s'est appuyé sur les dernières découvertes de la médecine moléculaire. Des experts et même des Prix Nobel du monde entier ont été consultés.
A ce jour, 90% de la dioxine présente au départ a été évacuée.
Le président n'a plus aucune trace sur le corps et il a retrouvé un visage normal, "même plus beau qu'avant", ont plaisanté ses médecins.
Le professeur Saurat a relevé le courage extraordinaire de Viktor Iouchtchenko, aujourd'hui en bonne santé.
Il a subi pas moins de 25 opérations sous anesthésie complète en trois ans, en majorité à Genève, sans cesser de travailler.
En décembre 2005, trois jours après une lourde opération, il s'était rendu en Irak pour saluer les troupes ukrainiennes.