"J'étais littéralement soufflée, je n'avais jamais rien vu de tel. C'est merveilleux!", se félicite la paléontologiste Jingmai O'Connor, auteure principale de l'étude publiée dans la revue Nature le 11 mars 2020.
"Pour des paléontologistes, c'est très inattendu: nous n'avons jamais rien trouvé de pareil!", s'enthousiasme-t-elle dans un vidéo publiée par Nature. Ce fossile est en effet le seul de son genre répertorié jusqu'à présent.
Le spécimen, appelé Oculudentavis khaungraae, a été piégé dans un morceau d'ambre datant du milieu de l'ère mésozoïque, une période allant de -251 millions d'années à -65 millions d'années.
Avec un crâne de 7,1 millimètres de longueur, il rivalise en taille avec le Mellisuga helenae, le Colibri d'Elena, qui est le plus petit des oiseaux actuellement vivants... ce qui en fait le plus petit dinosaure connu de cette ère, selon la revue scientifique. L'équipe de recherche suggère que l'Oculudentavis ne pesait pas plus que deux grammes, un peu comme le petit colibri-abeille, l'autre nom de l'oiseau d'Elena (voir image).
Un parfait état de conservation
"Comme tous les animaux enfermés dans l'ambre, il est très bien préservé. On a l'impression qu'il est mort hier, avec tous ses tissus mous piégés dans cette petite fenêtre donnant sur les temps anciens", commente Jingmai O'Connor, de l'Institut de paléontologie des vertébrés et de paléoanthropologie de Pékin.
A travers le médaillon translucide, on voit un crâne de profil dominé par une grande cavité oculaire, suggérant un œil regardant sur le côté, semblable à celui d'un lézard. Grâce à un scanner, les chercheurs ont pu mettre en évidence une mâchoire remplie de dents pointues – une centaine au total.
"Il ne ressemble à rien de vivant aujourd'hui, donc nous devons faire preuve d'imagination pour comprendre la signification de sa morphologie. Mais son crâne fuselé, ses multiples dents et ses grands yeux suggèrent que malgré sa petite taille, c'était probablement un prédateur qui se nourrissait d'insectes", explique la paléontologiste. Par ailleurs, les scientifiques pensent que, vu la position de ses yeux et leur taille, cet animal était probablement diurne.
Le minuscule vertébré, décrit comme étant "teenie weenie" en anglais – "tout mini" – coexistait avec les dinosaures au long cou, les grands reptiles volants tels les ptérosaures, à une époque où la faune était très riche.
L'ambre, matériau si précieux pour la paléontologie
Il constituait une micro-faune méconnue, que seule l'ambre a pu préserver: "Imaginez un marécage ou une forêt près de la mer, avec des arbres produisant une grand quantité de résine, dont certains morceaux se détachent en suintant le long des troncs, capturant la faune vivant dessus", décrit Jingmai O'Connor.
Sans cette résine fossilisée, "nous ne saurions rien de ces minuscules organismes, beaucoup plus difficiles à trouver que les gros", souligne-t-elle.
"Quand on pense aux dinosaures, on pense à ces immenses squelettes mais actuellement, la paléontologie est totalement transformée par les découvertes de petits fossiles ainsi conservés", poursuit la scientifique.
Ces dernières années, "l'ambre de Birmanie a donné lieu à de surprenantes découvertes", complète Roger Benson, chercheur en paléobiologie, dans un commentaire publié avec l'étude.
Grenouilles, lézards, ammonites... "Il y a encore beaucoup de spécimens à étudier!", se réjouit Jingmai O'Connor.
"Et j'espère que d'ici les dix prochaines années, nous pourrons développer des techniques permettant d'accéder à la biochimie des tissus mous. Il y a certainement des fragments d'ADN préservés à l'intérieur... mais il n'y aura jamais un scénario à la 'Jurassic Park'!", rassure-t-elle.
Stéphanie Jaquet et l'afp