Manger de l'ail, boire chaud, s'exposer au soleil: de faux remèdes contre le Covid-19 en circulation
Peut-être avez-vous reçu, voire relayé, un e-mail ou un message de ce type. Depuis quelques jours, des listes de "conseils simples" qui permettraient de prévenir voire d'éliminer le coronavirus circulent sur les différents réseaux sociaux et services de messagerie cryptés comme WhatsApp.
Ces recommandations peuvent semer la confusion, d'une part parce qu'elles présentent un aspect scientifique et d'autre part car elles mettent au même plan des mesures véritablement efficaces et d'autres idées plutôt fantaisistes.
"Buvez beaucoup d'eau chaude"
Un de ces messages, attribué à un "titulaire d'un Master (...) transféré à Wuhan", affirme ainsi que le coronavirus "n'est pas résistant à la chaleur et sera tué dans un environnement de 26 à 27° C".
Il serait en conséquence très important de boire "beaucoup d'eau chaude pour prévenir le virus" et de "maintenir la chaleur du corps". "Le virus disparaîtra complètement lorsqu'il sera exposé au soleil", ajoute encore ce texte.
Une variante de cette liste de préceptes intitulée "On n'arrête pas le virus avec la panique mais avec l’intelligence" est également beaucoup partagée. Elle a été publiée le 23 février sur le site d'une association italienne de lutte contre les maladies cardio-vasculaires.
Le texte invite à boire en permanence toutes les boissons chaudes possibles et à s'exposer au soleil. A l'inverse, le virus aimerait le froid et il faudrait "éviter de boire de l’eau glacée ou de sucer des glaçons ou de la neige pour ceux qui sont à la montagne, en particulier les enfants."
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Le virus résiste aux climats chauds
En soi, bien s'hydrater est une bonne chose. Mais ces recommandations en particulier sont inutiles, comme s'est déjà attaché à le démontrer le site français Le Monde.
Tout d'abord, rien ne permet d'affirmer à ce stade que le virus ne survit pas au-delà de 27°. Des cas de coronavirus ont d'ailleurs été signalés sur tous les continents, dans plus d'une centaine de pays. Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "le Covid-19 peut se transmettre sous les climats chauds et humides".
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Le virus perd en effet sa capacité infectieuse à partir d’une certaine température, mais bien plus élevée. Cité dans Libération, le chef du service des maladies infectieuses d'un hôpital parisien avance que le virus "n’est plus viable à partir d’une exposition à 56° pendant 20 à 30 minutes ou à 65° pendant 5 à 10 minutes".
Et dans tous les cas, que l'on boive une boisson très chaude, que l'on s'expose au soleil ou que l'on prenne un bain brûlant, la température globale du corps reste la même -et l'inverse ne serait pas souhaitable.
Aucun aliment particulièrement protecteur
"Manger plus de gingembre, d'ail, de poivre", du miel, privilégier des aliments riches en vitamine C, etc. Tout cela peut-il protéger du coronavirus?
En ce qui concerne l'ail, l'OMS indique qu'il s'agit d'un "aliment sain qui peut avoir certaines propriétés antimicrobiennes" mais que rien ne prouve qu'en consommer protège du coronavirus.
Interrogé sur ce point lors d'un Facebook Live de la RTS le 4 mars, le professeur Didier Pittet, chef du service d’infectiologie aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) a été clair: s'alimenter sainement est forcément une bonne chose. Mais si certains aliments peuvent présenter des vertus pour l'organisme, aucun ne permet de lutter spécifiquement contre le virus.
>> Lire : Questions sur le coronavirus: revoir les réponses du direct sur Facebook
Incertitude autour de la durée de vie du virus sur les objets
Un de ces messages affirme par ailleurs que "la transmission du virus arrive dans la majorité des cas par contact direct" et que "le virus peut vivre caché dans les vêtements et sur les tissus pendant environ 6 à 12 heures".
En réalité, le Covid-19 se transmet principalement par les gouttelettes respiratoires, mais ces dernières peuvent en effet se retrouver sur certains objets ou surfaces.
La durée de vie du virus hors d'un organisme n'est toutefois pas encore connue avec certitude. Selon l'OMS, il semble qu'il puisse persister quelques heures à plusieurs jours, en fonction du type de surface, de la température ou de l’humidité ambiante. Aucun organe sanitaire officiel n'évoque spécifiquement la durée de vie du virus sur les textiles.
Si laver ses vêtements fréquemment ne peut pas être déconseillé, les "exposer au soleil" pour "tuer le virus" serait là encore inutile. Quant à "faire des gargarismes avec une solution désinfectante", aucune recommandation sanitaire officielle n'en fait mention. "Cela relève de l’effet placebo", estime une virologue citée par le Monde.
Aussi de bons conseils
A noter que ces messages relaient aussi des conseils alignés sur ceux des autorités sanitaires, comme la recommandation de maintenir une distance entre chaque personne, et l'importance de bien se laver les mains après avoir touché des surfaces partagées.
Le nombre d'autres idées reçues, fausses informations et autres solutions prétendument miracles en circulation est probablement très élevé. L'OMS a fait le travail de recenser les plus fréquentes sur une page dédiée où l'on peut lire notamment que "l'huile de sésame n'empêche pas le coronavirus de pénétrer dans l'organisme" et que les "sèche-mains ne sont pas efficaces" pour le tuer.
Le service de vérification de l'agence de presse AFP a également établi une page dédiée. A ce stade, il a débusqué plus d'une quarantaine de fausses informations en lien avec la pandémie.
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et
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Pauline Turuban
Les géants de la technologie tentent difficilement de lutter contre ces intox
Vendredi matin dans sa chronique numérique sur la RTS, le journaliste Anouch Seydtaghia a souligné la difficulté de lutter contre ces fausses informations. "WhatsApp, qui appartient à Facebook, est totalement démuni: comme il n’a pas du tout accès aux messages échangés par ses membres, il est incapable de les censurer", a-t-il relevé.
Les rumeurs se répandent à une telle vitesse que l’Organisation mondiale de la Santé vient de sommer les géants du web de contre-attaquer. Sur Facebook, lorsqu'on tape le mot "coronavirus", un message apparaît en haut de l’écran. Il renvoie vers le site de l’Office fédéral de la santé public (OFSP) pour trouver des informations sur la maladie.
Le réseau social a aussi promis à l’OMS de lui offrir autant de publicité gratuite qu’elle désire, et s’est engagé à chasser toutes les annonces promettant de remèdes miracles. YouTube a fait de même, et Google affirme supprimer des dizaines de milliers de publicités pour des masques vendus à des prix exorbitants.
Ces mesures ne sont que partiellement efficaces, d'après Anouch Seydtaghia. Il est encore aisé de trouver sur YouTube des vidéos vantant les mérites de l’ail pour lutter contre le virus et les théories du complot se multiplient au sein de groupes Facebook. Tandis que sur Amazon, on trouve des chapeaux anti coronavirus ou des guides de survie écrits par de soi-disant experts.