La rotation de la Terre, la gravité, la friction de l'air, les
échanges d'énergie entre sol et atmosphère, le cycle de l'eau sont
notamment mis en équations pour alimenter les programmes
informatiques des climatologues.
Prévisions à très long terme
Ces modèles ne sont pas si différents de ceux utilisés au
quotidien par les météorologues. Avec une différence : les échelles
de temps. "Des processus lents, comme les échanges de carbone, sont
importants pour le climat et pas du tout pour la météo", souligne
David Salas y Melia, chercheur à Météo France.
Les études sur le climat couvrant des centaines, voire des
milliers d'années, on ne peut guère recourir à un maillage de la
planète aussi fin que pour la météo, qui fonctionne à des échéances
de quelques jours. "Dans cet exercice, on est obligé de mettre en
oeuvre certaines simplifications, voire d'hypersimplifier, comme
pour l'action des nuages", reconnaît Pascale Braconnot, responsable
de la modélisation au Laboratoire des sciences du climat et de
l'environnement (LSCE).
Progrès technologiques
Depuis 2001 et le dernier rapport du Groupe international
d'experts sur l'évolution du climat (Giec), les modélisations ont
progressé, notamment sur le "couplage" : on sait désormais faire
fonctionner ensemble des programmes informatiques distincts, conçus
à des échelles géographiques différentes.
Les modèles couplés océan-atmosphère, rares il y a 5 ans, se sont
généralisés et commencent à apparaître ceux intégrant le cycle du
carbone (l'absorption du dioxyde de carbone par les végétaux).
Des inconnues à résoudre
Reste à améliorer la représentation des nuages, qui peuvent
avoir un effet refroidissant (en réfléchissant le rayonnement
solaire) ou réchauffant (en empêchant le rayonnement infra-rouge de
la Terre de se dissiper). Les modèles prennent aussi mal en compte
les poussières en suspension qui bloquent la lumière solaire, mais
servent de "germe" pour la formation des gouttes de pluie.
Les divergences entre modèles expliquent pour moitié l'incertitude
régnant sur les projections du Giec, qui avait estimé il y a cinq
ans entre 1,4° et 5,8° le réchauffement de la planète à la fin du
siècle.
Les autres incertitudes tiennent aussi aux hypothèses retenues
pour décrire la situation future de la planète. Va-t-on continuer à
faire l'autruche devant les menaces du réchauffement ? Engager une
lutte déterminée ? Ou adopter une position médiane ? A chacun de
ces scénarios correspond une concentration déterminée de dioxyde de
carbone dans l'atmosphère.
L'imprévisible attitude humaine
Autre problème : si on sait depuis longtemps traduire en
formules mathématiques les principes de la dynamique des fluides
qui régissent les mouvements des mers et de l'atmosphère, la vie,
elle, ne se laisse pas facilement réduire en équations.
Le déboisement, la pollution des océans, le développement de la
riziculture ont tous des effets sur le climat : un sol nu
réfléchira davantage le rayonnement solaire qu'une forêt, le
plancton croît moins bien dans des mers acides et stockera donc
moins de carbone, les rizières dégageront du méthane, un gaz au
puissant pouvoir réchauffant.
Pour le directeur adjoint de la recherche de Météo France, Pascale
Delecluse, "la plupart des scénarios travaillent avec l'état de la
Terre telle qu'on le connaît.
L'outil ne permet pas encore de mesurer les effets
d'amplifications" possibles dès que certains seuils auront été
franchis : ralentissement des courants marins, dégazages massifs de
méthane jusqu'ici piégé dans les sols gelés de Sibérie ou
déstabilisation brutale d'une calotte polaire.
afp/cab
L'état des lieux
Les experts du Groupe international sur l'évolution du climat (Giec) rendront le 2 février leur quatrième rapport, qui constitue la plus vaste expertise possible sur le sujet.
CE QUE L'ON SAIT :
- Le réchauffement climatique, observé depuis les années 1970, est impossible à expliquer sans intégrer l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon).
- La concentration des gaz à effet de serre, qui conservent une partie du rayonnement solaire, est en hausse contante. La présence du principal d'entre eux, le dioxyde de carbone (CO2), est inégalée en 400'000 ans.
- Depuis 1900, la température de la Terre a augmenté de 0,8°C. Le réchauffement pourrait être 2 à 3 fois supérieurs au pôle nord. Le niveau des océans s'est élevé de 10 à 20 cm au cours du XXe siècle.
- La couverture neigeuse diminue. Le Groenland et 90% des glaciers rétrécissent; l'étendue des glaces de mer décroît (-15% à 20% en Arctique); l'océan se réchauffe, le permafrost (ou pergélisol, sols gelés en permanence en Sibérie, ou au Canada) fond.
LES INCERTITUDES :
- Les océans, en se réchauffant, émettraient davantage de vapeur d'eau (un gaz à effet de serre) et au lieu de capter le CO2 pourraient relâcher du gaz carbonique.
- Les courants profonds de l'Atlantique nord ont déjà subi des ralentissements. Le Gulf Stream qui tempère les côtes européennes pourrait se ralentir, voire s'arrêter.
- Les sols gelés ou enneigés qui renvoient les rayons solaires se transforment en sols dégelés qui les absorbent, contribuant au réchauffement. Ils pourraient en outre déstocker du méthane (au pouvoir 56 fois plus réchauffant que le CO2).
- La fonte des glaces : si la glace du Groenland fondait intégralement, les océans s'élèveraient de 7 mètres. Un seul mètre de plus noierait 17% du Bengladesh.
- Le rôle des nuages : il reste à clarifier car ils peuvent amplifier ou modérer le réchauffement selon leur taille et leur altitude.