Le SARS-Cov-2 perd du terrain en Suisse. Au pic de l'épidémie, le nombre de cas testés positifs chaque jour excédait largement le millier. Aujourd'hui, il ne dépasse plus les vingt depuis une semaine. Il serait donc facile d'imaginer - ou du moins d'espérer - que le virus s'éteigne de lui-même.
Des espoirs douchés par Jacques Fellay, médecin et chercheur au CHUV, à l'UNIL et à l'EPFL interrogé dans le 19h30: "Le virus n'a pas muté depuis le mois de février. La biologie humaine n'a pas changé non plus. Et seuls 5 à 10% de la population a été infectée et est probablement immunisée. Donc le terrain de chasse du virus reste le même qu'il était au mois de mars. Si on n'est pas prudent, le virus va redémarrer."
Le SARS-CoV-2, contrairement à d'autres virus, mute très peu, car il a peu de raisons de le faire, précise Didier Trono, virologue à l'EPFL: "Le virus est soumis à relativement peu de pression sélective, puisqu'il se propage allégrement et qu'il ne rend par les gens tellement malades au point de stopper sa course."
Effet de chaleur
La question de l'effet que la chaleur de l'été aura sur le virus a été souvent évoquée, sans qu'aucune réponse n'ait pu être donnée. L'espoir qu'il ralentisse durant cette saison, comme d'autres virus respiratoires, demeure.
"Il n'est pas impossible que les chaleurs jouent un rôle, mais celui-ci restera mineur. En laboratoire, on a vu que ce virus était un peu sensible à la chaleur. Il se réplique un petit peu moins facilement, mais ce ne serait pas suffisant pour l'empêcher complètement d'être transmis si les conditions de transmissibilité sont réunies. Donc la saisonnalité potentielle du virus est une alliée possible, mais il ne faut pas compter dessus pour faire tout le travail", souligne Jacques Fellay.
Mieux armé que son cousin
Pour anticiper les scénarios de fin d'épidémie, on serait tenté de comparer le SARS-Cov-2 avec son cousin, le SARS-Cov-1. Tous deux partagent 70% de leur génome. L'épidémie, qui a sévi en 2003, a infecté plus de 8000 personnes dans 32 pays. Elle s'est éteinte après 8 mois et son virus est considéré comme éradiqué. Pourquoi le scénario ne se répéterait-il pas?
Pour deux raisons, énumère Jacques Fellay: "Le SARS de 2003 a disparu grâce à une mobilisation internationale extraordinaire dans les pays qui ont été touchés, avec une attitude très agressive pour identifier les cas et empêcher la propagation du virus. D'autre part, ce virus était plus agressif. Paradoxalement, c'est ce qui nous a aidés à l'époque, parce que les personnes contaminées étaient très malades, très vite. Elles n'avaient pas le temps de contaminer d'autres personnes alors qu'elles n'avaient pas ou peu de symptômes. Contrairement au virus actuel."
Le virus actuel est moins agressif, donc mieux armé pour survivre. "Il a trouvé la faiblesse chez les humains pour se multiplier et se propager facilement". Ce qui fait de lui un candidat parfait à la pandémie mondiale.
Deuxième vague peu probable
Avec une faible mortalité, le virus s'est donc niché dans la faille immunitaire de l'humain. Cette si redoutée deuxième vague est-elle dès lors inévitable?
Pas forcément, répondent les deux experts. Son existence dépendra de notre réaction lorsqu'elle arrivera. "Si on est préparé, si l'on peut tester les gens rapidement, documenter les infections, isoler les gens affectés, et si l'on peut maintenir certaines précautions, il est vraisemblable que la propagation du virus se fera de façon beaucoup plus lente et qu'on n'aura pas une véritable vague, mais néanmoins un bruit de fond d'infections qui circulera", prédit Didier Trono.
Lorsque cette deuxième vague pointera le bout de son nez, il faudra donc reprendre des mesures pour la briser grâce aux outils mis en place depuis trois mois. Des mesures que l'on relâchera sans doute jusqu'à l'arrivée de la troisième vague, puis de la quatrième. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'un vaccin efficace apparaisse sur le marché.
Mais en attendant, nous risquons de danser avec le virus durant des mois, voire des années. C'est du moins ce que prédit l'Organisation mondiale de la santé. e virus est devenu endémique au niveau mondial et il faudra apprendre à vivre avec.
Aurélie Coulon et Feriel Mestiri