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Aux HUG, un patient sur cinq a besoin d'une réadaptation après le Covid-19

Le virus recule et le nombre de guéris du COVID sont très nombreux. Mais cette nouvelle maladie laisse parfois des traces.
Le virus recule et le nombre de guéris du COVID sont très nombreux. Mais cette nouvelle maladie laisse parfois des traces. / 19h30 / 3 min. / le 2 juin 2020
Ils ont guéri, mais n'ont pas complètement récupéré de leur maladie. Le Covid-19 ne touche pas seulement le système respiratoire, il affecte aussi le cerveau, ou d'autres organes. Pour une partie des rescapés, la sortie de l'hôpital ne signifie pas la fin du calvaire.

Reins, coeur, poumons, nerfs… le Covid-19 est une maladie qui s'attaque à plusieurs cibles et peut laisser des traces chez ceux qui s'en sont sortis. En Suisse, plus de 5000 patients ont quitté l'hôpital. Mais certains d'entre eux ont gardé des séquelles plus ou moins importantes.

Après un mois aux soins intensifs des HUG, Guillaume*, âgé d'une soixantaine d'années, s'est réveillé très affaibli du coma. A sa sortie de l'hôpital, il était guéri du virus mais il n'était plus que l'ombre de lui-même: "Je n'avais aucune force nulle part. Puis petit à petit, j'ai repris des forces et on m'a transféré ici."

"Ici", c'est l'Unité de neuro-rééducation de Beau-Séjour, un centre de réadaptation spécifique ouvert par les HUG pour récupérer des séquelles neurologiques post-Covid. Après trois, quatre, voire cinq semaines, certains patients rencontrent encore des problèmes moteur, de coordination, de faiblesse généralisée, ou encore des problèmes cognitifs tels qu'un état confusionnel.

Avec un planning d'exercices, d'ergothérapie, de physiothérapie et de logopédie, les journées de Guillaume sont bien remplies pour l'aider à surmonter ses séquelles. "J'ai plein de choses à faire. Il y a aussi la déglutition. J'ai du mal à manger. Et j'ai moins d'appétit", témoigne-t-il.

Les causes des séquelles

Environ un malade hospitalisé sur cinq aurait besoin d'une réadaptation pour des troubles respiratoires, cardiaques ou neurologiques, tels que des problèmes moteurs ou cognitifs.

Les causes probables des problèmes neurologiques sont l'alitement prolongé et les médicaments. Mais pas seulement. Selon Armin Schnider, médecin-chef du Service de neurorééducation aux HUG, il peut également y avoir des problèmes de coagulation liés à la maladie, "donc les personnes peuvent avoir jusqu'à des accidents vasculaires. On sait qu'il y a des réactions à l'inflammation: la défense du corps peut aussi malheureusement attaquer le cerveau et les nerfs périphériques", explique-t-il.

Légers symptômes et fortes séquelles

Les traces de la maladie ne se font pas seulement ressentir chez les patients atteints par une forme sévère du Covid. Marion Novet en a fait la douloureuse démonstration: douleurs thoraciques, engelures au pied. Mais surtout fatigue intense et durable.

A certains moments, elle arrivait à peine à tenir une fourchette, raconte-t-elle. "Ce qui est très difficile pour moi c'est que chaque matin, je ne sais pas trop comment je vais être. (...) Dès que je m'active, j'ai des crises de fatigue comme des malaises et je dois me coucher. Je vois une petite amélioration depuis deux semaines pour la fatigue, j'arrive à manger, à me doucher, à gérer le quotidien."

Lorsque ses symptômes ont commencé, il y a deux mois, elle n'avait pourtant ressenti que des petits maux de gorge, durant deux jours. Mais deux semaines plus tard, elle ressent de violentes brûlures thoraciques, une fréquence cardiaque plus élevée, ainsi qu'une vague de fatigue intense.

Aujourd'hui, sa bataille est psychologique. L'incertitude de pouvoir à nouveau vivre une activité normale, comme aller à un barbecue. Pour garder le moral, elle est suivie par une psychologue. Et surtout, elle communique tous les jours avec un groupe de personnes qui présentent les mêmes symptômes, via les réseaux sociaux.

Risque de dépression et d'anxiété

Le cas de Marion est loin d'être isolé. Les experts redoutent désormais les effets psychologiques, qui peuvent durer sur le long terme, surtout chez les patients qui ont été admis aux soins intensifs. Selon une étude récente publiée dans The Lancet Psychiatry Journal, sur 3550 patients hospitalisés à cause du SARS, du MERS ou du COVID-19, la plupart guérissent sans problème psychiatrique. Mais sur le long-terme, certains auraient plus de risque de souffrir de dépression ou d'anxiété suite au traumatisme.

Blaise Genton, infectiologue à Unisanté, confirme: "Il existe un syndrome post-soins intensifs, avec des problèmes cognitifs. Par exemple, des difficultés à calculer, à mémoriser ou à planifier. Et il y a des syndromes plus importants, comme le syndrome de stress post-traumatique, suite à cette expérience de difficultés respiratoires importantes. Il y a aussi une anxiété qui peut survenir, voire une dépression suite à ce qu'ils ont vécu ou à cause de l'ambiance générale".

Des symptômes présents 6 semaines plus tard

Pour monitorer les effets du Covid sur le long terme, la cellule CoviCare des HUG suit 1000 patients Covid par téléphone. Après six semaines, beaucoup se plaignent encore de symptômes.

"La moitié des patients qu'on a appelés ont encore des symptômes de l'infection au SARS-CoV-2. Principalement de la fatigue, du mal à respirer, mais aussi des maux de tête, des douleurs articulaires, la perte de l'odorat et du goût. C'est donc assez varié", souligne Olivia Braillard, du Service de médecine interne ambulatoire aux HUG.

Avec le manque de recul, il est difficile de statuer sur la santé future des convalescents sur le long terme: "C'est difficile de rassurer les patients. On ne sait pas si ça va partir, si ça va persister, si ce sont des séquelles à long terme. Donc on va rappeler les patients de nouveau dans six semaines, après trois mois, pour s'assurer que les choses vont mieux. Dans le cas contraire, il faudra faire des investigations pour voir si les séquelles persistent", précise Olivia Braillard.

L'étude des séquelles se poursuivra donc ces prochains mois pour mieux connaître les effets de cette nouvelle maladie, que les médecins découvrent avec leurs patients.

Aurélie Coulon et Feriel Mestiri

* Prénom d'emprunt

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