Tara dérive sur la banquise arctique depuis le 4 septembre 2006.
Le voilier, support logistique du programme européen Damoclès qui,
dans le cadre de l'année polaire internationale (API), étudie les
changements climatiques dans les hautes latitudes, ne se trouve
plus qu'à quelque 500 km du détroit de Fram (entre Groenland et
Spitzberg), où il doit de nouveau voguer en eau libre.
Tara est ainsi en avance de plus de six mois sur les premières
prévisions au début de sa mission qui envisageaient une fin de
dérive en juillet ou août 2008. "Nous affinons actuellement nos
calculs. Il n'est maintenant plus exclu que Tara soit libéré par la
banquise avant la fin de l'année", a déclaré Etienne Bourgois, le
patron de "Tara-expéditions".
Trois fois plus vite que le Fram
Si c'est le cas, le voilier aura ainsi traversé la banquise
arctique, du nord-est au sud-ouest en 14 à 15 mois, soit trois fois
plus vite que le Fram de Fridtjof Nansen, premier voilier de
l'histoire à avoir fait un périple identique en... trois ans, de
1894 à 1897.
"A l'approche du détroit de Fram, principal déversoir des eaux de
l'océan arctique et goulet d'étranglement, l'accélération se
renforce et nous sommes maintenant sur un tapis roulant, même s'il
n'y a plus de vent", a ajouté Etienne Bourgois qui partage son
temps entre la direction de la mission Tara et celle de la maison
de couture Agnès B., - sa maman -, principal sponsor de
l'expédition et dont il est le directeur général.
"Fort index positif de l'oscillation arctique"
Quel est le secret de la rapidité de la dérive et y a-t-il un
lien avec le réchauffement climatique dû à la pollution? "Pas
vraiment, répond Christian de Marliave, coordinateur scientifique
de l'expédition. En jargon scientifique, on explique ce phénomène
par un 'fort index positif de l'oscillation arctique'. En français
intelligible, cela signifie que l'anticyclone qui était peu ou prou
centré sur l'arctique jusqu'en 2000, avec absence de vent, grand
froid et peu d'évacuation vers le détroit de Fram (index négatif),
s'est depuis affaissé et déplacé à l'ouest vers la côte
canadienne".
"L'index est alors devenu positif avec l'entrée de dépressions
cycloniques, une couverture nuageuse, une grosse production de
vapeur d'eau, principal gaz à effet de serre et donc une
augmentation de la température provoquant un amaigrissement de la
glace. Etant plus fine, la glace est plus dynamique et se déplace
plus vite. Porté par la banquise, Tara a suivi le mouvement",
explique-t-il.
Par amour des aurores boréales
Grant Redvers, le chef d'expédition Néo-Zélandais de 33 ans qui,
avec le Breton Hervé Bourmaud, capitaine du bateau, poursuit
l'aventure alors que le reste du premier équipage a été remplacé,
dit son "excitation", à 48 heures de l'entrée dans la sa seconde
nuit polaire, totale et permanente. Joint par téléphone satellite à
bord de Tara, il reste enthousiaste après 13 mois passés sur la
planète glace.
"Le nouvel équipage (lire ci-contre) nous a
revitalisés et donné une nouvelle énergie. L'hiver va être plus
court, compte tenu de notre vitesse de dérive. Mais quel bonheur de
retrouver la nuit polaire et ses spectaculaires aurores boréales et
clairs de lune. C'est la période la plus spectaculaire. J'en
redemande", assure-t-il sur un ton enjoué.
Il avoue tout de même qu'il sera heureux de retrouver sa famille
et ses amis, mais... sans plus. Pendant tout l'été, l'équipage a
poursuivi la mission scientifique et continué de procéder à
l'auscultation de l'environnement glacé, du fond de l'océan
arctique à la basse atmosphère. Des millions de données ont
continué de nourrir en permanence les puissants ordinateurs du
programme Damoclès.
afp/hof
Nouvel équipage
Trois femmes et sept hommes de cinq nationalités différentes, composent le nouvel équipage de la goélette polaire Tara qui entame la seconde année de sa dérive arctique, dans le cadre de l'année polaire internationale.
Hormis le chef d'expédition, Grant Redvers, Néo-Zélandais de 33 ans et le capitaine de Tara, Hervé Bourmaud, patron pêcheur breton de 35 ans qui sont de l'aventure depuis le début et ont rempilé, les huit autres "glacionautes" ont successivement pris leurs quartiers sur la banquise du début de l'été à l'automne.
Parmi les femmes figurent Minh-Ly Pham-Minh, 39 ans, médecin du bord, la femme des pôles, venue tout droit de la base de Concordia en antarctique, Marion Lauters, la Marseillaise et benjamine de 23 ans, en charge du programme de biologie et de l'intendance et qui était à Clipperton avec Jean-Louis Etienne ainsi qu'Ellie Ga, 31 ans, artiste américaine venue déployer sa créativité dans l'enfer blanc.
Parmi les hommes on retrouve Alexander Petrov, 50 ans, Russe de Léningrad, glaciologue. Audun Tholfsen, guide norvégien de 34 ans, Hervé Le Goff, 52 ans, ingénieur de recherche au CNRS et représentant du programme Damoclès, Samuel Audrun, 28 ans, voileux et second mécanicien qui était aussi de l'expédition naturaliste à Clipperton et Vincent Hilaire, 40 ans, journaliste en disponibilité de FR3, en charge des prises de vue vidéo et photographies.