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Comment des personnes contaminées deviennent des "super-propagateurs"

Certaines personnes infectent un nombre important de gens avec lesquels ils ont été en contact. Ce son les super-propagateurs.
Certaines personnes infectent un nombre important de gens avec lesquels ils ont été en contact. Ce sont les super-propagateurs. / 19h30 / 2 min. / le 2 juillet 2020
Le week-end dernier à Zurich, une personne a contaminé cinq individus dans une boîte de nuit et imposé une mise en quarantaine à 300 personnes. Un cas dit de "super-propagation". Mais qui sont ces super-propagateurs qui infectent beaucoup de personnes?

On les appelle les "super-spreaders", ou "super-propagateurs" en bon français. Ce sont des personnes qui infectent un nombre disproportionné d'autres individus, alors que la moyenne de contamination pour le SARS-CoV-2 est de deux à trois personnes pour un malade.

Selon une étude préliminaire réalisée à Hong-Kong, environ 20% des malades du Covid-19 seraient responsables des 80% restant.

Certains exemples illustrent d'ailleurs cette thèse. Le premier cas médiatisé en Suisse a été un Britannique qui a contaminé 11 personnes fin janvier en Haute-Savoie. Il a engendré le premier foyer français. En Autriche, c'est un serveur qui contamine 16 clients d'un bar.

La carte des super-propagations autour de la Suisse. [RTS]
La carte des super-propagations autour de la Suisse. [RTS]

Un peu plus loin, en Corée du Sud, une quarantaine de personnes avaient été infectées par une seule personne lors d'un rassemblement religieux. Une réunion d'entreprise à Boston, aux Etats-Unis, a fait 99 malades. A la mi-mai, au Ghana, un "super-propagateur" a infecté 533 travailleurs d'une même usine.

Pas de profil génétique

Ces événements ont joué un rôle majeur dans la transmission du virus au début de l'épidémie. Mais comment devient-on "super-propagateur"?

"Il faut prendre en compte trois paramètres: la probabilité de transmission, le nombre de contacts que l'on peut avoir et la durée de la période contagieuse. Si vous augmentez à chaque fois ces trois paramètres, vous pouvez devenir un super-propagateur", explique Antoine Flahault, épidémiologiste à l'Université de Genève.

Les facteurs biologiques individuels, quant à eux, ne pèseraient pas lourd. Selon Oriol Manuel, infectiologue au CHUV, "pour certaines infections virales comme la grippe, certains patients peuvent excréter de grandes quantités de virus pendant plus longtemps. Ils sont peut-être plus à risque de disséminer davantage la maladie que d'autres. Mais pour le Covid-19, on n'a pas encore la preuve que des personnes avec un certain profil génétique ou avec certaines maladies puissent disséminer plus que les autres".

Pas de preuve, mais de fortes suppositions, estime l'épidémiologiste du CHUV: "On ne connaît pas très bien le rôle de la charge virale dans la transmission (du coronavirus). Mais intuitivement, on peut penser que certaines personnes ont plus de facilité à propager le virus que d'autres, sans que l'on connaisse très bien les raisons".

Promiscuité dans des lieux fermés

Les deux scientifiques s'accordent sur le fait que ce sont surtout les circonstances et les comportements qui expliquent la "super-propagation". Des facteurs environnementaux, comme par exemple des endroits fermés, mal ventilés, avec beaucoup de personnes et des contacts très proches. "C'est le risque de disséminer la maladie plutôt que le profil d'une personne", assure Oriol Manuel.

Sur les 200 événements de "super-propagation" recensés par des épidémiologistes britanniques, la quasi-totalité s'est déroulée en intérieur.

Tout le monde peut devenir super-propagateur

N'importe qui peut devenir un super-propagateur s'il a un grand nombre de contacts et s'il n'a plus les gestes barrières nécessaires. "Certes, il y a certainement une composante biologique et même génétique, liée à la charge virale, mais c'est le comportement et l'absence de réduction des risques, en particulier de gestes barrières, qui vont entraîner les super-propagations", précise Antoine Flahault.

En ligne de mire, les personnes sociables, tactiles, les sportifs et les noctambules. Ces profils à risque devraient redoubler de précautions pour éviter de devenir de "super-propagateurs" et pour ainsi enrayer l'évolution de la pandémie.

Aurélie Coulon / fme

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