Aujourd'hui, 11 millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans les océans. Selon l'un des scénarios de cette étude publiée dans Science, cette quantité pourrait se monter à 29 millions de tonnes d'ici 2040. C'est ce que montre un rapport publié jeudi dans la revue Science. Cette modélisation prospective, établie sur un consensus d'experts internationaux, propose aussi des solutions pour supprimer 80% de cette pollution plastique.
Cinq scénarios ont été établis par les auteurs sur une période allant de 2016 à 2040. Le scénario du pire ("Business as usual") se base sur l'hypothèse d'un statut quo dans les politiques actuelles. Dans le meilleur des cas, si toutes les interventions possibles sont mises en place, le niveau en 2040 pourrait être réduit de 40% par rapport à 2016 et de près de 80% par rapport au scénario "Business as usual". Les 20% restants sont principalement constitués de microplastiques, eux-mêmes provenant principalement de particules issues de l'abrasion des pneus de voitures.
Déchets mal collectés et mal gérés
Au rang des obstacles techniques, les auteurs soulignent qu'élargir la collecte des plastiques à tous les ménages au niveau mondial est une "tâche monumentale qui nécessiterait de connecter plus d'un million de ménages supplémentaires aux services de collecte par semaine de 2020 à 2040", et relèvent que "la majorité de ces ménages non connectés se trouvent dans des pays à revenu intermédiaire", pointant ainsi le besoin d'investissements dans les infrastructures de collecte, notamment.
Ils notent encore l'impact des déchets "mal gérés", notamment le "brûlage à ciel ouvert" qui "transfère le fardeau de la pollution à l'air, à l'eau et au sol via la production de gaz à effets de serre". Ils notent que les exportations nettes de déchets des pays à revenu élevé vers les pays à revenu plus bas, bien que peu importantes, ont "le potentiel d'augmenter la part des déchets plastiques mal gérés".
"Message positif"
Interrogé vendredi soir dans Forum, Julien Boucher, directeur du Pôle éco-conception suisse et co-auteur du rapport de Science, explique que le noeud du problème réside dans la vitesse de la production de déchets plastiques, qui augmente plus vite que notre capacité à les traiter. Selon lui, "il va falloir être plus ambitieux" car "les actions actuelles sont insuffisantes".
Il estime toutefois que l'étude à laquelle il a contribué se veut porteuse d'un message positif. "Ce problème a été créé à l'échelle d'une seule génération, et il est possible de le résoudre en l'espace d'une seule génération également", dit-il. Mais pour cela, "Il faut un changement systémique, qui n'implique pas seulement les gouvernements mais aussi tous les autres acteurs responsables du problème", en particulier les entreprises.
Enfin, selon lui, le débat ne doit pas tourner autour du remplacement du plastique. "Chaque matériau a des avantages et des inconvénients", explique-t-il, "et le plastique est souvent plus intéressant en termes de bilan carbone". C'est dans l'usage qu'il faut adapter les pratiques, en privilégiant notamment les objets réutilisables.
Pierrik Jordan