«Cette décision a été difficile, la solution n'est pas idéale,
mais il s'agit de la meilleure alternative à ce stade», a déclaré
Manfred Bötsch, directeur de l'OFAG devant la presse. Les trois
offices fédéraux concernés (environnement, médecine, vétérinaire)
ne sont parvenus à un accord qu'après de longs mois
d'atermoiements.
La décision est tombée après la plus sévère attaque de feu
bactérien jamais enregistrée en Suisse, et particulièrement en
Suisse alémanique, l'an dernier. Plus de 100 hectares de vergers
ont dû être arrachés. La Confédération et les cantons ont participé
aux coûts à hauteur de 30 millions de francs.
Cette tactique d'arrachage appliquée jusqu'ici n'est plus jugée
comme défendable par certains paysans, compte tenu de l'ampleur
prise par le phénomène. Des agriculteurs st-gallois sont montés
jusqu'au Tribunal administratif fédéral pour sauver leurs arbres et
ont obtenu un sursis jusqu'en mai prochain.
Catalogue de risques
Bien qu'utilisé aux Etats-Unis et en Allemagne, le streptomycine
ne fait pas l'unanimité, surtout dans les milieux écologistes, car
on craint qu'en s'introduisant dans la chaîne alimentaire humaine,
il ne renforce la résistance aux antibiotiques.
L'utilisation de cette substance comporte un autre risque, celui
du développement des résistances des micro-organismes vivant dans
le sol. Même si ces organismes ne sont normalement pas dangereux
pour l'être humain, il pourrait y avoir transmission de résistances
à des micro-organismes pathogènes pour l'homme.
Utilisation très réglementée
Pour limiter l'impact du traitement au streptomycine, son
utilisation est strictement définie. Limitée à la période de
floraison au printemps 2008, seules les zones gravement contaminées
auront recours à cette stratégie. La décision ne reviendra pas à
l'agriculteur, mais au canton.
Les traitements seront limités à trois par an et seront exclus
dans les zones d'habitation. Les herbages traités ne pourront pas
être mangés par les animaux et les traitements ne seront autorisés
qu'à une vingtaine de mètres des cours d'eau. Des alternatives sont
par ailleurs cherchées aux antibiotiques. Un produit naturel à base
de levure pourrait bientôt être utilisé en Suisse. Une demande
d'homologation a été déposée à l'OFAG.
ats/cab
Une année 2007 de sinistre mémoire
En 2007, près de 870 communes en Suisse, dont certaines pour la première fois en Suisse romande (FR, VD) ont découvert sur leur territoire des arbres, des arbustes sauvages ou des plantes-hôte ornementales contaminés par le feu bactérien.
Cela représente trois fois plus de communes touchées qu'en 2006 (273) et deux fois plus qu'en 2000 (365), considérée comme la pire année jusqu'ici.
Réactions contrastées
La décision de l'OFAG répond aux souhaits exprimés depuis longtemps par les producteurs de fruit, au grand dam des milieux écologistes. Les cantons de St-Gall et de Thurgovie, durement touchés, se disent soulagés.
La décision des autorités fédérales «était difficile, mais elle est juste», écrit Fruit-Union Suisse (FUS). La fédération des producteurs de fruits «demande depuis l'an 2000» que la maladie puisse être combattue avec un antibiotique.
Pour la FUS et l'Union suisse des paysans (USP), l'utilisation «limitée» d'antibiotiques est «une solution d'urgence contrôlée».
Pour Pro Natura, l'Association pour la protection des oiseaux (Birdlife Suisse) et le WWF, les autorités ont choisi «une solution à court terme discutable du point de vue écologique».
Pour l'Association des organisations d'agriculture biologique (Bio Suisse), la décision de l'OFAG est «extrêmement contestable». Du point de vue médical, «toute utilisation d'antibiotiques dans la nature est extrêmement problématique». En Allemagne, des résidus d'antibiotiques ont été découverts dans du miel.