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Il y a 50 ans, l'URSS lançait le Spoutnik

Laïka à bord de Spoutnik II, photographiée en novembre 1957. [Tass/AFP]
Laïka à bord de Spoutnik II, photographiée en novembre 1957. - [Tass/AFP]
Le 4 octobre 1957, l'URSS lançait Spoutnik, premier satellite artificiel en orbite autour de la Terre, véritable point de départ de la conquête spatiale. Un vol préparé à la hâte en pleine Guerre froide.

Ce lancement doit beaucoup à la volonté d'un homme, Sergueï
Korolev, le père du programme spatial soviétique. Spoutnik était un
projet très audacieux conçu par des scientifiques passionnés avec à
leur tête Korolev, qui persuada des autorités soviétiques alors
perplexes d'ouvrir la grande page de l'ère spatiale.

"Chacune des premières fusées était comme une femme bien aimée
pour nous", raconte un de ces pionniers, Boris Chertok, 95 ans.
"Nous aurions donné notre coeur et notre âme pour les voir voler."
Le premier satellite est issu d'un programme totalement différent,
significatif de cette période de Guerre froide: la mise au point
d'une fusée capable de frapper les Etats-Unis avec une bombe à
hydrogène. Le missile balistique R-7 construit pour emporter cette
charge était "beaucoup plus puissant que tout ce que les Américains
avaient à leur disposition", souligne l'ancien ingénieur spatial et
cosmonaute russe Georgi Gretchko, 76 ans. Ses performances hors
norme pour l'époque en faisaient un véhicule parfait pour mettre un
engin en orbite, ce qui n'avait jamais été fait auparavant.

La menace de la Guerre froide

Sans la menace d'une guerre nucléaire avec les Etats-Unis,
Spoutnik aurait probablement décollé beaucoup plus tard. "La raison
clé de l'apparition de Spoutnik c'était l'atmosphère de guerre
froide et notre course contre les Américains", souligne Boris
Chertok. "Le missile militaire était notre principale préoccupation
à ce moment-là." Mais lorsque ce projet a rencontré des
difficultés, Korolev a saisi l'occasion. Scientifique visionnaire
et déterminé, il a pressé le Kremlin d'autoriser le lancement d'un
satellite, une première que les Etats-Unis prévoyaient de tenter en
1958.



Le gouvernement soviétique a donné son feu vert en janvier 1956
alors que les hauts gradés de l'armée voulaient garder le R-7 pour
la bombe, a expliqué Georgi Gretchko. "Ils considéraient le
satellite comme un gadget, un fantasme idiot de Korolev." L'URSS
avait déjà un satellite scientifique en cours de développement,
mais Korolev a estimé que sa construction prendrait trop de temps.
Il a donc ordonné à son équipe de concevoir un orbiteur primitif,
baptisé PS-1 pour "Prosteïchii Spoutnik" ("Satellite le plus
simple").

Pas plus gros qu'un ballon

La sphère d'aluminium, de la taille d'un ballon de basket et de
seulement 83,5 kilos, a été construite en moins de trois mois. Elle
était dotée deux émetteurs radio et de quatre antennes. Un projet
précédent prévoyait un satellite de forme conique, mais Korolev
préférait la sphère. "La Terre est une sphère et son premier
satellite doit également avoir cette forme", avait-il déclaré, se
souvient Boris Chertok.



Le lancement était initialement prévu pour le 6 octobre, mais
Korolev craignait que les Américains ne procèdent à un lancement la
veille. Il a donc décidé d'annuler des tests de dernière minute et
d'avancer le lancement de deux jours, au 4 octobre. "Mieux que
quiconque, il avait compris combien il était important d'ouvrir
l'ère spatiale", souligne Georgi Gretchko. Peu après son décollage
des steppes du Kazakhstan, le satellite a émis son célèbre "bip
bip". Le numéro un soviétique Nikita Khrouchtchev et les autorités
de l'URSS n'y ont d'abord vu qu'une réussite technologique de plus
pour le pays.



La première information officielle sur Spoutnik ne fut qu'un bref
article dans les pages intérieures de la "Pravda". Ce n'est que
deux jours plus tard que le quotidien soviétique fit sa "une" sur
le satellite, citant les innombrables éloges provenant de
l'étranger. Spoutnik a "bipé" pendant trois semaines et a passé
trois mois en orbite, faisant plus de 1400 fois le tour de la
Terre, avant de se consumer dans l'atmosphère. Pour Korolev, le
triomphe fut teinté d'amertume.



ap/mej

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Retour sur 50 ans de conquête spatiale

4 octobre 1957: Lancement de Spoutnik 1, premier satellite soviétique.

11 octobre 1957: les Américains envoient leur premier engin spatial Pioneer.

3 novembre 1957: la chienne Laïka, premier être vivant à tourner autour de la Terre, à bord de Spoutnik 2.

1er octobre 1957: création de la Nasa, l'agence spatiale américaine.

12 avril 1961: le Soviétique Iouri Gagarine, à bord de Vostok 1, premier homme dans l'espace, tourne une fois autour de la terre (vol de 1h48).

20 février 1962: John Glenn premier Américain à faire le tour de la Terre (3 orbites).

20 juillet 1969: Neil Armstrong et Edwin Aldrin (mission Apollo 11), se posent sur la Lune où ils restent pendant plus de vingt et une heures.

19 décembre 1972: Apollo 17, dernière mission sur la Lune.

31 mai 1975: création de l'Agence Spatiale Européenne.

24 décembre 1979: premier lancement de la fusée européenne Ariane.

12 avril 1981: lancement de Columbia, première navette spatiale américaine.

2 novembre 2000 : deux Russes et un Américain, premiers habitants de la station spatiale internationale (ISS).

16 octobre 2003 : la Chine, troisième pays à réaliser un vol spatial habité avec le taïkonaute Yang Liwei sur Shenzou V.

21 septembre 2006 : mission de la navette américaine Atlantis pour la reprise de la construction de l'ISS interrompue depuis 2002.

14 septembre 2007 : le Japon lance une fusée transportant une sonde d'observation de la Lune.

La paternité de Spoutnik usurpée

Le père du Spoutnik, Sergueï Korolev, ne fut cité dans aucun des récits de l'époque sur le vol historique.

Léonid Sedov, membre de l'Académie soviétique des sciences, sans aucun lien avec le programme Spoutnik, fut présenté à tort comme le père du satellite.

Les Soviétiques et le reste du monde n'ont appris le nom de Korolev qu'après sa mort en 1966.