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Le Prix Nobel de physique célèbre la recherche sur les trous noirs

Le Nobel de physique revient à un trio d'experts des "trous noirs"
Le Nobel de physique revient à un trio d'experts des "trous noirs" / 19h30 / 1 min. / le 6 octobre 2020
La saison des Nobel se poursuit mardi avec le prix de physique, remis pour la 114e fois. Il est attribué à trois chercheurs, un Anglais, Roger Penrose, un Allemand, Reinhard Genzel, et une Américaine, Andrea Ghez.

C'est avec un brin de retard que le Comité Nobel est arrivé pour annoncer le résultat de ses délibérations, car les lauréats n'avaient pas encore été notifiés par téléphone.

"Le Prix de cette année récompense le secret le plus obscur (dark, en anglais) de l'Univers", a annoncé Göran K. Hansson, le Secrétaire général du Nobel... Il s'agit bien sûr des trous noirs: des objets célestes où la gravité est si forte que même la lumière ne peut s'en échapper. Une énigme exotique qui a intrigué bon nombre de physiciens, pendant des années.

Le cosmologiste Roger Penrose (UK, 1931) reçoit la moitié du Prix – doté d'environ un million de francs – pour la découverte que la formation des trous noirs est une production robuste, une conséquence inévitable, de la théorie de la relativité générale développée par Albert Einstein (Prix Nobel de physique en 1921). Roger Penrose prédit théoriquement ces trous noirs déjà envisagés au XVIIIe siècle: développant des formules mathématiques compliquées, il explique que oui, une étoile peut s'effondrer sur elle-même et créer un trou noir.

Les astrophysiciens Reinhard Genzel (Allemagne, 1952) et Andrea Ghez (USA, 1965) se partagent l'autre moitié du Prix pour la découverte et l'observation d'un objet compact supermassif au centre de notre galaxie, le trou noir Sagittarius A* (Sgr A*).

>> Lire : Un trou noir existe bel et bien au centre de la Voie Lactée

"Voyions-nous vraiment ce que nous voyions?"

Les lauréats étaient très heureux du coup de fil du Nobel. Roger Penrose a avoué avoir été sorti de sa douche par l'appel. Seule Andrea Ghez, professeure à l'UCLA, a réagi en direct lors de la cérémonie, par téléphone.

A la question de savoir quelle a été sa réaction lorsqu'elle s'est rendue compte qu'il y avait effectivement quelque chose au centre de la Voie Lactée, un trou noir massif, elle s'est exclamée: "D'abord, le doute!" Puis de développer: "Voyions-nous vraiment ce que nous voyions? C'était du doute, mais de l'excitation aussi! Une combinaison de sentiments".

Andrea Ghez croit dur comme fer que nombre de mystères des trous noirs seront encore éclaircis au cours de sa vie: "C'est un domaine de la physique où le rythme des découvertes s'accélère, car la technologie évolue à toute vitesse. Et franchement, on en sait si peu".

La scientifique s'est dit très honorée d'être la quatrième femme de l'Histoire à être gratifiée d'un Prix Nobel de physique – le plus masculin des six prix, avec moins de 2% de lauréates. "J'espère que je vais inspirer d'autres femmes à investir cette matière. C'est une matière qui donne de grands plaisirs et si la Science vous passionne, il y a tant qui peut être fait", a-t-elle ajouté.

A noter qu'une seule femme au monde a reçu deux Prix Nobel (sur quatre personnes au total): Marie Curie – physique en 1903 et chimie en 1911.

Les étoiles les plus proches du centre de la Voie Lactée: les orbites des étoiles sont la preuve la plus convaincante qu'un trou noir se cache dans Sagittarius A*. Les scientifiques estiment que ce trou noir pèse 4 millions de masses solaires et qu'il est compressé dans une région pas plus grande que notre système solaire. [The Royal Swedish Academy of Sciences - Johan Jarnestad]
Les étoiles les plus proches du centre de la Voie Lactée: les orbites des étoiles sont la preuve la plus convaincante qu'un trou noir se cache dans Sagittarius A*. Les scientifiques estiment que ce trou noir pèse 4 millions de masses solaires et qu'il est compressé dans une région pas plus grande que notre système solaire. [The Royal Swedish Academy of Sciences - Johan Jarnestad]

>> Revoir dans le 19h30 les explications de Stéphane Paltani, professeur d'astrophysique à l'Université de Genève :

Stéphane Paltani, professeur d'astrophysique à l'Université de Genève, commente le phénomène des trous noirs
Stéphane Paltani, professeur d'astrophysique à l'Université de Genève, commente le phénomène des trous noirs / 19h30 / 3 min. / le 6 octobre 2020

Des mathématiques très compliquées

En 1783 déjà, l'astronome et physicien britannique John Michell a une idée: si des objets lumineux tournent autour d'un trou noir, on peut détecter son existence en suivant la trajectoire de ces étoiles... Une intuition brillante qui prendra 200 ans à être prouvée!

Ce n'est qu'avec Einstein et des formules les mathématiques très compliquées qu'un objet pareil a pu être décrit; le brillant physicien lui-même trouvait les mathématiques trop ardues... Un tel phénomène pouvait-il réellement exister?

En 1965, Roger Penrose publie un papier remarquable où il expose que, oui, c'est une conséquence naturelle et attendue de la théorie de la relativité: ces monstres dans le temps et l'espace peuvent se former... ils capturent tout ce qui passe à leur proximité. Grâce à des outils mathématiques ingénieux, il décrit leurs propriétés, comme le fait qu'en leur cœur, les trous noirs cachent une singularité, une frontière au-delà de laquelle toutes les lois connues de la Nature s'effondrent. Son article, révolutionnaire, est encore considéré aujourd'hui comme la contribution la plus importante à la théorie générale de la relativité depuis Albert Einstein.

Une nouvelle aventure

"Les lauréats de cette année ont révélé des secrets qui se cachaient au fin fond des endroits les plus sombres de l'Univers. Ce n'est pas juste une aventure ancienne qui arrive à sa conclusion triomphante... c'en est une nouvelle qui commence! A mesure que nous nous approchons toujours plus de l'horizon des trous noirs, la Nature pourrait avoir de nouvelles surprises en réserve", a résumé le Professor Ulf Danielsson, membre du Comité Nobel.

Stéphanie Jaquet et les agences

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Les Nobel de physique des neuf dernières années

2019: James Peebles (Etats-Unis/Canada), Michel Mayor (Suisse) et Didier Queloz (Suisse) pour leurs travaux sur le cosmos et la première découverte d'une exoplanète.

>> Lire : Le prix Nobel de physique attribué aux Romands Michel Mayor et Didier Queloz

2018: Arthur Ashkin (Etats-Unis), Gérard Mourou (France) et Donna Strickland (Canada), pour leurs recherches sur les lasers qui ont permis de mettre au point des outils de haute précision utilisés dans l'industrie et la médecine.

2017: Rainer Weiss, Barry Barish et Kip Thorne (Etats-Unis), pour l'observation des ondes gravitationnelles qui confirme une prédiction d'Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale.

2016: David Thouless, Duncan Haldane et Michael Kosterlitz (Grande-Bretagne) sur les isolants topologiques, des matériaux "exotiques" qui permettraient dans un avenir plus ou moins proche de créer des ordinateurs surpuissants.

2015: Takaaki Kajita (Japon) et Arthur McDonald (Canada) pour avoir établi que les neutrinos, des particules élémentaires, avaient une masse.

2014: Isamu Akasaki et Hiroshi Amano (Japon) et Shuji Nakamura (USA), inventeurs de la diode électroluminescente (LED).

2013: François Englert (Belgique) et Peter Higgs (Grande-Bretagne) pour leurs travaux sur le boson de Higgs, une particule élémentaire.

2012: Serge Haroche (France) et David Wineland (États-Unis) pour leurs recherches en optique quantique qui permettent la création d'ordinateurs surpuissants et d'horloges d'une précision extrême.

2011: Saul Perlmutter et Adam Riess (États-Unis), Brian Schmidt (Australie/États-Unis) pour avoir découvert que l'expansion de l'univers était en accélération et qu'il se terminera dans la glace.

ats/sjaq