Moderna, qui a noué un partenariat avec le chimiste bâlois Lonza (voir encadré), affirme que son potentiel vaccin pourrait être commercialisé au 1er semestre de l'année prochaine en Suisse.
"Du point de vue de la fabrication, nous serons prêts à livrer (...) pour la première moitié de 2021", a indiqué lundi à l'agence AWP Dan Staner, directeur pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique.
En Suisse, Moderna a annoncé vendredi le lancement d'une procédure d'homologation continue auprès du régulateur Swissmedic, qui recevra des données au fur et à mesure qu'elles sont obtenues par la société pharmaceutique, dont le siège pour la région Emea est à Bâle. Dan Staner n'a pas souhaité avancer une éventuelle date d'arrivée sur le marché, soulignant néanmoins que la collaboration avec Swissmedic "se passe très bien".
"La Suisse est un marché stratégique pour nous. (...) Un grand nombre d'investisseurs suisses sont avec nous depuis le début de l'aventure il y a une dizaine d'années", a rappelé le Dan Staner.
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Une très haute efficacité
Selon l'analyse des tout premiers cas, le risque de tomber malade du Covid-19 a été réduit de 94,5% entre le groupe placebo et le groupe vacciné du grand essai clinique en cours aux Etats-Unis: en l'occurrence, 90 participants du groupe placebo ont attrapé le Covid-19, contre 5 dans le groupe vacciné.
Si ce niveau d'efficacité était le même dans la population générale, ce serait l'un des vaccins les plus efficaces qui existent, comparable à celui contre la rougeole, efficace à 97% en deux doses, selon les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC).
Par comparaison, les vaccins contre la grippe ont oscillé entre 19% et 60% d'efficacité dans les dix dernières saisons aux Etats-Unis, selon les CDC.
Le vaccin de Pfizer aurait une efficacité de 90%, et le vaccin russe Spoutnik V de 92%, selon des résultats préliminaires communiqués la semaine dernière.
Aucun malade grave, 10% d'effets secondaires
Aucun malade grave du Covid-19 n'a été enregistré parmi les personnes vaccinées, contre 11 dans le groupe placebo, indique lundi le communiqué de Moderna.
Selon Moderna, environ 9 à 10% des personnes vaccinées ont eu des effets secondaires après la seconde dose tels que fatigue, courbatures, ou rougeur autour du point d'injection.
"C'est un moment charnière dans le développement de notre candidat-vaccin contre le Covid-19", s'est réjoui le patron de Moderna Stéphane Bancel. "Cette analyse intérimaire positive issue de notre essai de phase 3 nous donne les premières indications cliniques que notre vaccin peut prévenir la maladie du Covid-19, y compris la forme grave".
Si le vaccin était approuvé par l'Agence américaine des médicaments (FDA), la rapidité de développement serait une prouesse scientifique.
Des résultats encore à évaluer
Ces résultats n'ont toutefois pas encore été évalués par des scientifiques indépendants. Plus de 30'000 participants prennent part à l'essai clinique à grande échelle, dit de phase 3, commencé en juillet dernier. Moderna prévoit de demander une autorisation de mise sur le marché "dans les prochaines semaines" aux Etats-Unis.
Interrogé dans Forum, le pédiatre infectiologue Alessandro Diana rappelle qu'il s'agit pour l'heure de communiqués, soit de résultats préliminaires, l'observation de phase 3 n'étant pas terminée, mais que "l'on peut s'en réjouir".
Selon lui, il est donc plausible que le vaccin soit disponible dans la première moitié de l'année prochaine. Mais il rappelle que ce qui a été accéléré, ce sont les procédures administratives et la production. "Le temps n'a pas été comprimé dans le cadre analytique des études, et ça c'est rassurant!"
Il met cependant en garde contre une potentielle obligation générale de vaccination. "Traditionnellement, en Suisse, on recommande les vaccins", dit-il, "donc je pense qu'on va y aller par l'information thérapeutique et la sensibilisation. Il faudra cibler les personnes à risque et le personnel hospitalier".
"Nous sommes très bien positionnés"
Egalement présent dans Forum, le conseiller fédéral en charge de la Santé Alain Berset se veut prudent mais souligne la "bonne stratégie de la Suisse" dans ce dossier.
"On verra ce que donne ce vaccin, mais je crois qu'on était très tôt dans la stratégie pour préparer l'accès à un vaccin (...) au début, il y avait plus de 140 vaccins en préparation, imaginez comment choisir les bons produits? On a mis en place une stratégie très efficace qui nous a permis d'identifier les vaccins les plus prometteurs et très tôt, on a pu entrer en contact avec les entreprises pour effectuer des réservations et des achats et je dois constater que nous sommes bien positionnés comme pays sur les trois produits les plus prometteurs".
ebz avec l'ats et l'afp
Un partenariat avec Lonza
Le groupe suisse Lonza est impliqué dans la fabrication du vaccin Moderna et devrait produire le principe actif de ce vaccin dès son lancement.
Une ligne de production est en cours d'installation à Viège (VS), où la production pourrait commencer en février 2021.
Albert Baehny, prédécesseur de Pierre-Alain Ruffieux à la tête du groupe rhénano-valaisan, avait précisé en août que la production serait répartie sur quatre sites, dont celui de Viège, et nécessitait un investissements de 70 millions de francs dans chacun des cas.
La contribution de Lonza, soit 400 millions de doses, doit pouvoir porter les capacités de production à un demi-milliard de doses dès l'an prochain.
Ne pas pêcher par excès d'optimisme
Autorité mondiale en matière de vaccins, la directrice du centre de vaccinologie des HUG Claire-Anne Siegrist appelle à ne pas pêcher par excès d'optimisme.
"Il y a quelques jours, on parlait d'une lueur d'espoir, aujourd'hui c'est une flamme", concède la spécialiste, "mais je ne pense pas du tout qu'on va éradiquer ce virus en moins d'une année, il va rester. Mais on va apprendre à vivre avec, comme on vit avec de nombreux autres virus que ne nous gâchent la vie que quelques jours par année".
Elle salue, comme principale différence avec les annonces de Pfizer il y a quelques jours, une très bonne transparence dans les annonces de Moderna. "Ils nous ont donné beaucoup plus d'informations (...), ça montre vraiment que cette approche est efficace", estime-t-elle.
Mais il ne faut pas s'emballer", prévient la scientifique, qui rappelle que, l'efficacité immunitaire est jusqu'ici mesurée juste après vaccination. "Et on est bien content d'attendre la suite des études, quelques mois, pour pouvoir continuer de mesurer son efficacité, mais surtout ses risques", précise-t-elle.
Car pour beaucoup de gens, le Covid-19 ne représente pas un grand danger. "Il faut donc qu'on soit absolument sûr qu'un vaccin est sécuritaire", insiste Claire-Anne Siegrist.