Depuis quelques jours, les nouvelles conditions générales de WhatsApp suscitent des questionnements parmi ses utilisateurs. La messagerie souhaite partager davantage de données avec Facebook, que l'on soit inscrit ou non sur le réseau social. Ce changement, qui doit entrer en force le 8 février 2021, doit être approuvé par les utilisateurs sous peine de ne plus pouvoir utiliser l'application.
"L'inquiétude des utilisateurs est légitime" a déclaré François Charlet, président de l'Association suisse des délégués à la protection des données et juriste spécialisé en droit numérique, dans l'émission On en parle. En Europe, ceux-ci restent protégés par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Selon les conditions de WhatsApp, la Suisse est traitée comme l'Europe. Pour le moment, la messagerie ne peut donc pas partager ses données avec Facebook.
WhatsApp, une mine d'or à exploiter
Pour François Charlet, ce changement de politique s'explique par la volonté de Facebook de monétiser la messagerie achetée en 2014 pour 22 milliards de dollars. Car aujourd'hui, WhatsApp est une application gratuite et dépourvue de publicité qui ne rapporte pas grand-chose. Tout le défi pour la firme de Mark Zuckerberg est de trouver comment rentabiliser son investissement sans faire fuir ses 2,2 milliards d'utilisateurs.
"Avec WhatsApp, Facebook est assis sur une montagne de données, qu'il aimerait rentabiliser. Mais il ne semble pas trop savoir comment pour le moment, en tout cas pour l'Europe" a expliqué le juriste dans On en parle.
Que se passe-t-il si on accepte les nouvelles conditions?
D'après ce que François Charlet a pu lire et comprendre, il ne devrait "pas y avoir de changement notable le 8 février pour les utilisateurs de WhatsApp en Suisse et en Europe".
Le principal changement concerne les comptes WhatsApp d'entreprises. La notification de ces derniers jours prévient les utilisateurs que Facebook pourrait avoir accès aux conversations des entreprises qui choisissent d'héberger leurs données sur des serveurs de Facebook: "Les échanges WhatsApp entre, par exemple, le service client d'une entreprise suisse et ses clients, pourraient être lus et conservés par Facebook". Ce changement est valable pour le monde entier.
Des conditions d'utilisation des données floues
Dans tous les cas, Facebook et WhatsApp échangent déjà des données depuis plusieurs années, pour aider la maison-mère à "exploiter, fournir, améliorer, comprendre, personnaliser, soutenir et commercialiser [leurs] services et leurs offres", d'après leurs conditions générales. Une formulation très vague qui fait dire à François Charlet "qu'on ne sait pas vraiment comment ces données sont utilisées par Facebook, ni ce à quoi Facebook a vraiment accès".
Pour l'expert, la question que les utilisateurs doivent se poser aujourd'hui est: WhatsApp a-t-elle toujours la confidentialité dans son ADN?
Deux alternatives plus sûres
François Charlet conseille aux utilisateurs de supprimer leur compte WhatsApp, pas seulement de désinstaller l'application. Concernant les alternatives, il n'en recommande que deux: l'application suisse Threema et l'américaine Signal.
Propos recueillis: Jérôme Zimmermann et Yves-Alain Cornu/afp
Adaptation web: Sylvie Ravussin
Boom des téléchargements de messageries alternatives
Signal et Telegram figurent en tête des téléchargements d'applications gratuites sur les plateformes Apple Store et Google Play dans plusieurs pays.
Lancée en 2014, l'application américaine Signal est considérée par les spécialistes comme l'une des applications de messagerie les plus sécurisées du marché grâce notamment à sa capacité de chiffrer "de bout en bout" messages ou appels audios et vidéos.
Fondée en 2013 par les frères Pavel et Nikolaï Dourov, Telegram affirme faire de la sécurité sa priorité et refuse généralement de collaborer avec les autorités, ce qui lui a valu des tentatives de blocage dans certains pays, notamment en Russie.
WhatsApp tente de rassurer ses utilisateurs
Les changements ne concernent que les conversations éventuelles avec des entreprises, assure WhatsApp, qui voulait "faire preuve de plus de transparence". Le groupe californien, qui tire ses profits de la publicité ciblée sur Facebook et Instagram, a entrepris de dégager des revenus de ses messageries, comme Messenger, en permettant aux annonceurs de contacter leurs clients.