Parti dimanche du centre spatial Kennedy en Floride, le lanceur Falcon 9 de SpaceX a déposé en orbite basse sa cargaison de 23 tonnes. Elle inclut une série de satellites de la future constellation Starlink, destinée à fournir un accès à Internet dans des régions du monde qui en sont dépourvues. A bord également, la première série des 80 nanosatellites qu'Astrocast compte déployer d'ici 2023. Le système permettra la communication de données de plus en plus rapides sur toute la surface du globe.
Grandes ambitions
Pour la start-up vaudoise, ce lancement réussi marque le début de l'aventure commerciale. "Nous visons des revenus de 5 millions de francs cette année et de 100 millions récurrents dès 2025", affirme à la RTS le directeur opérationnel d'Astrocast Laurent Vieira de Mello. Installée depuis quelques semaines dans ses nouveaux locaux de Chavanne-près-Renens, l'entreprise est prête à recevoir les signaux de ses 5 premiers satellites commerciaux. Sur ses écrans de contrôles figurent déjà la trajectoire et les données de deux appareils pilotes lancés précédemment.
"Avec quelques satellites, on peut déjà aujourd'hui offrir un service à certains clients qui ont besoin de n'envoyer que quelques messages par jour. Cela peut être des applications de suivi d'infrastructures à distance, de gestion de l'eau par exemple. Ensuite, en réduisant la latence, on va pénétrer de nouveaux marchés, comme le suivi de véhicules, de containers ou l'envoi de messages de détresse, détaille Laurent Vieira de Mello.
Le système offre aussi une fonction bidirectionnelle aux clients, "c'est-à-dire qu'on peut envoyer des commandes à ces appareils pour éteindre un générateur, par exemple, ou le mettre à jour".
Latence des données
La latence entre la réception des données et leur renvoi sur Terre se réduira à mesure que la constellation grandira. Pas plus de 15 minutes à terme lorsque les 80 satellites seront en orbite, explique Laurent Vieira de Mello. Pour beaucoup de clients, cette latence n'est pas un obstacle. C'est le prix de la transmission des données qui est l'atout majeur de l'entreprise. "Leurs prix sont bien inférieurs à ce qui est disponible sur le marché et cela permet de consacrer plus de moyens aux travaux de recherche", explique Ed Bryant, architecte système chez Wildlife Computers, un spécialiste américain de télémétrie animale et client d'Astrocast.
Outre l'avantage du prix, la fréquence sur laquelle travaillent les nanosatellites correspond à celle des GPS, ce qui permet d'équiper les traceurs d'une seule antenne et de réduire leur taille. La puissance réduite permet aussi de limiter la taille des batteries. Un atout essentiel pour les traceurs placés sur les animaux. "Nos données sont plus propres si le traceur est petit. Cela permet de recueillir les données d'animaux, pas les données d'animaux tracés", précise Melinda Holland, CEO de Wildlife Computers.
Le secret des prix bas
Le prix bas qu'Astrocast peut pratiquer tient pour beaucoup à la technologie développée par ses ingénieurs et aux composants ne répondants pas aux standards spatiaux traditionnels. "Nous utilisons des composants qui ne sont pas forcément dédiés à l'espace et qui coûtent beaucoup moins cher. Ce sont des composants de l'industrie automobile, qui ont prouvé leur robustesse", explique Laurent Vieira de Mello. La construction d'un satellite revient à environ 200'000 francs, sans commune mesures avec les coûts habituels dans le secteur spatial.
L'accès à l'espace s'est également fortement démocratisé avec le développement de lanceurs privés comme SpaceX. Le prix de mise en orbite d'un satellite comme celui d'Astrocast, d'un poids de cinq kilos, ne dépasse pas 200'000 francs.
Pascal Jeannerat