Ils sont omniprésents dans nos cuisines, nos salles de bain, nos chambres à coucher: les perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques qui ont le pouvoir d’influencer notre système hormonal. Mais notre degré d’exposition à ces substances est peu documenté.
Des analyses inédites menées par le laboratoire du Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Liège pour le compte des émissions "A Bon Entendeur", "On en Parle" et pour le magazine "Bon à savoir" sur 33 enfants de Suisse romande de 3 à 15 ans montrent que tous sont exposés à des perturbateurs endocriniens avérés ou potentiels. Un enfant sur cinq était même exposé aux sept catégories de produits recherchés.
Des effets même à petites doses
"Les niveaux de contaminations sont relativement bas quand on compare aux autres études qui ont été faites sur d'autres enfants dans l'Union européenne avec les mêmes molécules", précise Corinne Charlier, professeure au CHU de Liège. Toutefois, les scientifiques soupçonnent certains de ces produits de pouvoir déployer leurs effets même lorsque l’exposition est minime, en particulier lors de stades clé du développement.
"On n'a aucune idée de la quantité maximum à laquelle l'être humain devrait être exposé pour qu'il n'y ait pas d'effet. Pour certains perturbateurs endocriniens, on pense qu'une exposition même minime pourrait déjà être problématique", explique Nathalie Chèvre, toxicologue à l’Université de Lausanne. Les perturbateurs endocriniens peuvent notamment contribuer au développement de troubles du comportement, de problèmes de fertilité ou de puberté précoce.
Les bonnes pratiques
S’il est impossible d’échapper à ces substances, certaines pratiques permettent toutefois de minimiser l’exposition. "La plupart de ces substances vont s’accumuler dans les poussières domestiques. Le fait de passer l’aspirateur régulièrement contribue à diminuer cette exposition", explique Vincent Perret, toxicologue chez Toxpro, qui recommande également d’aérer régulièrement son intérieur. Dans l'émission On en parle, Corinne Charlier conseille de nettoyer régulièrement l'intérieur de sa maison à l'eau. Attention aux produits ménagers utilisés: ceux-ci peuvent également contenir des perturbateurs endocriniens.
Pour limiter la migration de perturbateurs endocriniens dans l’alimentation, il conseille par ailleurs de ne pas réchauffer de nourriture dans des contenants en plastique.
Enfin au niveau des cosmétiques, le spécialiste précise que la vaporisation à distance peut conduire à inhaler des gouttelettes porteuses de perturbateurs endocriniens, il préconise donc l’application locale lorsque c’est possible. "Le choix des contenants peut aussi être optimisé. Dans un flacon doseur, le produit est mieux protégé que dans un gros pot où il faut plonger les mains car dans ce type de contenant l’industriel doit mettre des biocides pour protéger le produit."
Linda Bourget/Théo Chavaillaz/Bastien Von Wyss
Des sources de contamination difficilement identifiables
Les perturbateurs endocriniens testés ont tendance à disparaître très vite. Les résultats de l'enquête montrent donc un instantané. "Avec ce type d'étude, il est très difficile d'identifier les sources de contamination", explique Nathalie Chèvre dans On en parle. "C'est comme pour le dopage: on est toujours en retard".
"Il faudrait un suivi sur le long terme", ajoute Corinne Charlier. Autrement dit, une enquête détaillée sur le cadre de vie: revêtement de sol, type de mobilier, école et activités extra-scolaires pour les enfants, etc.
Pas de différences selon le contexte socio-économique et géographique
Pour Nathalie Chèvre, "on est tous égaux par rapport à la pollution", mais pas par rapport à la nourriture. Néanmoins, "on ne peut pas tout faire en tant que consommateur": la toxicologue demande une prise de décision au niveau politique pour l'interdiction de certaines substances.