Les variants du SRAS-CoV-2 inquiètent les autorités et compliquent aussi la tâche des chercheurs qui élaborent les vaccins. Si ceux qui sont déjà homologués restent pour l'heure efficaces contre les nouveaux variants apparus ces derniers mois, l'émergence d'une mutation résistante n'est pas exclue.
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Pour l'immunologiste et chercheur à l'Université de Zurich Steve Pascolo, pourtant, un tel scénario ne constituerait pas un problème insurmontable, car les vaccins qui utilisent la technologie de l'ARN messager sont capables de s'adapter rapidement.
"S'il y a un nouveau coronavirus causant le SRAS qui échappe à la vaccination, ce qui n'est pas le cas pour le moment, il suffira de 'photocopier' son information génétique et on aura un nouvel ARN messager dans moins d'un mois", a rassuré jeudi dans La Matinale celui qui est l'un des pionniers de cette technologie ayant donné naissance, entre autres, aux vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna.
Nouvelle vaccination pas exclue
A la différence de l'ADN, un "livre" de 23 "recettes" présent en deux exemplaires dans chaque cellule du corps, l'ARN n'est qu'une photocopie des passages du livre qui sont nécessaires au fonctionnement d'une cellule donnée, par exemple la recette de l'insuline pour une cellule du pancréas, explique Steve Pascolo pour imager le concept de l'ARN. L'ADN (le livre) reste dans les étagères, alors que l'ARN (la photocopie) est détruit après avoir servi. "Pour l'instant, on photocopie la recette contre le Covid de 2020", poursuit l'immunologiste.
Le fait qu'il ne se soit écoulé que deux mois entre le moment où le virus a été connu, en janvier 2020, et celui où les premiers volontaires des études de Moderna ont reçu une première injection, le 16 mars 2020, témoigne de la vitesse à laquelle on peut mettre au point le vaccin, démontre Steve Pascolo.
S'il faut le refaire, ça ira encore plus vite, car on a maintenant beaucoup plus d'expérience pour ce virus
"S'il faut le refaire, ça ira encore plus vite, car on a maintenant beaucoup plus d'expérience pour ce virus. On pourra mélanger le nouvel ARN au vaccin de 2020 pour faire un vaccin bivalent qui protégera contre la souche de 2020 et une éventuelle nouvelle souche", ajoute le chercheur. S'il devait être mis en évidence qu'un variant échappe aux anticorps induits par les vaccins existants, il faudra donc que la population se vaccine à nouveau.
Nouvelle homologation pas forcément nécessaire
Mais quid de la durée des nouvelles études cliniques et du temps nécessaire pour l'homologation dans les différents pays? "Cela dépendra des autorités. Pour la grippe, par exemple, on utilise chaque année un nouveau vaccin et il n'y a pas de nouveaux essais cliniques", signale Steve Pascolo.
En Israël, avec une population comparable, on a été beaucoup plus vite. Je ne sais pas pourquoi la Suisse va moins vite qu'Israël. C'est une question politique
A ses yeux, la lenteur dans la vaccination qui touche notamment l'Europe, Suisse comprise, est une question qui déborde largement du seul cadre scientifique: "En Israël, avec une population comparable, on a été beaucoup plus vite. Je ne sais pas pourquoi la Suisse va moins vite qu'Israël. C'est une question politique", avance encore l'immunologiste.
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Vincent Cherpillod
La Suisse a raté le coche
Pays de recherche et d'industrie pharmaceutique par excellence, la Suisse a-t-elle raté le coche dans la course au vaccin? "Oui, tout à fait!", estime Steve Pascolo. Lorsqu'il a quitté la société biopharmacuetique allemande CureVac (actuellement en phase III d'étude pour son propre vaccin anti-Covid) en 2006, il raconte avoir emmené avec lui la technologie d'un vaccin à ARN contre le cancer du poumon.
"Swissmedic était la deuxième instance au monde à travailler sur un vaccin à ARN messager et à approuver des essais. La Suisse était en pointe. Ensuite, malheureusement, il n'y a pas eu de soutien de la part des autorités ou de l'industrie", déplore-t-il.
En 2019 encore, certains n'y croyaient pas
Il confie d'ailleurs que jusqu'à 2019, certains de ses collègues de l'Hôpital universitaire de Zurich pensaient que l'ARN messager ne serait jamais utilisé en médecine, parce que trop instable, notamment en raison des enzymes produites par le corps qui le détruisent très vite.
"Maintenant, cette barrière est tombée. Je pense qu'il y aura plus d'intérêt d'investissement pour ces vaccins. J'espère aussi que la Suisse va enfin mettre en place une production publique d'ARN messager pharmaceutique, que nous pourrons utiliser pour faire des vaccins contre le cancer ou contre d'autres virus", plaide Steve Pascolo.