Haut comme un phare, un bateau vertical va sonder les mystères de l'océan Austral
Le "Polar Pod", sorte de flotteur métallique géant en forme de tire-bouchon, à mi-chemin entre le bateau et la plate-forme océanographique, se présente comme un phare de 100 mètres de haut (dont 80 m sous l'eau), dimensionné pour affronter les plus grosses vagues des "cinquantièmes hurlants". Il doit voguer pendant trois ans autour de l'Antarctique, poussé par le courant marin circumpolaire.
Inspiré d'un navire océanographique américain, le FLIP (Floating instrument platform), le Polar Pod est un "navire vertical" doté d'un lest de 150 tonnes, qui lui procure une grande stabilité. Il sera remorqué jusqu'en Antarctique, puis basculera en position verticale.
"Une station spatiale en orbite autour de l'Antarctique"
Bardé de capteurs et disposant de robots sous-marins, il est surmonté d'une superstructure de plusieurs étages comprenant les zones de vie et de recherche. Sans moteur, donc sans émissions de CO2, il dispose en revanche de mats verticaux avec des voiles, ce qui lui permet d'infléchir son cap, notamment pour éviter les icebergs.
Le navire, que Jean-Louis Etienne décrit comme "une station spatiale en orbite autour de l'Antarctique", emportera un équipage de huit personnes, relevé tous les deux mois. Parmi elles figureront quatre scientifiques chargés de mener à bien un programme "très riche", annonce l'explorateur.
Puits de carbone méconnu
Ce programme aura quatre axes de recherches principaux, a détaillé son coordonnateur David Antoine, du Centre national de la recherche scientifique français (CNRS): les échanges océan-atmosphère, cruciaux pour l'évolution du climat, l'observation satellitaire, qui permettra de faire in situ des relevés étalonnant les observations depuis l'espace, l'étude d'une biodiversité encore mal connue, et enfin l'impact des activités humaines.
L'océan Austral absorbe la moitié du gaz carbonique qui est absorbé par l'ensemble des océans
"Cet océan a une particularité: c'est un élément essentiel de la régulation du climat. C'est le principal puits de carbone océanique de la planète, et on ne connaît pas vraiment sa performance", a expliqué l'explorateur dans La Matinale de la RTS mercredi. Le CO2 responsable du réchauffement climatique se dissout en effet prioritairement dans les eaux froides. "Cet océan Austral absorbe la moitié du gaz carbonique qui est absorbé par l'ensemble des océans".
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La plateforme Polar Pod présente une série d'avantages pour mener ces recherches, notamment sa stabilité par rapport aux navires d'exploration classiques, son silence permettant de meilleurs relevés acoustiques et sa présence permanente dans ces régions tempétueuses, où les autres navires ne s'aventurent que pendant l'été austral.
ats/vic/fb
Mise à l'eau en 2023
Après un appel d'offres, la construction du navire devrait débuter en janvier 2022, pour une mise à l'eau en 2023 et un départ à la fin de cette même année après une campagne d'essais, a annoncé mardi Jean-Louis Etienne lors d'une conférence de presse.
L'explorateur, premier à avoir atteint le pôle nord géographique en solitaire en 1986, avait lancé ce projet en 2012. Les préparatifs et le bouclage du budget ont pris plus longtemps que prévu. Le financement, dont le montant total n'a pas été dévoilé, a finalement pris la forme d'un partenariat public-privé.