Publié

Du Petrus a gardé presque toutes ses qualités après un séjour dans l'espace

L'une des bouteilles de Petrus de retour de l'espace, présentée à Bordeaux. [AFP - Philippe Lopez]
Du Petrus et des plants de vigne envoyés dans l'espace pour tester leur "résilience" / Le Journal horaire / 29 sec. / le 24 mars 2021
De prestigieuses bouteilles de Petrus et des sarments de vigne sont analysés par des chercheurs à Bordeaux après un séjour dans l'espace. L'espoir est que l'apesanteur rende la vigne plus résistante.

L'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de l'université de Bordeaux est chargé d'analyser 12 bouteilles de ce célèbre Pomerol et la moitié des 320 sarments de vigne de merlot et de cabernet sauvignon revenus mi-janvier sur terre à bord du cargo Dragon de la société SpaceX.

Ils ont été envoyés pendant respectivement 14 et 10 mois sur la Station spatiale internationale (ISS), à l'initiative de la start-up européenne Space Cargo Unlimited (SCU).

Toujours "un très grand vin"

L'enjeu de cette mission baptisée "WISE" est de vérifier si l'environnement spatial, avec ses radiations et sa microgravité, a modifié les caractéristiques du vin. Mais il s'agit surtout de déterminer si l'apesanteur peut rendre la vigne plus résistante.

Et les nouvelles sont bonnes pour le grand cru: selon les premières conclusions de l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) de l'université de Bordeaux dévoilées mercredi. Même après 14 mois dans l'espace, le Petrus, âgé de 20 ans et coté vers 5530 francs, est resté "un très grand vin".

Dégustation à l'aveugle

Une dégustation menée le 1er mars a permis d'obtenir "une première photographie" de l'odyssée spatiale du vin. Deux bouteilles de Petrus, une ayant voyagé et l'autre pas, ont été présentées à l'aveugle à un panel de 12 personnes - amateurs et experts.

Et le verdict, dévoilé mercredi, a été unanime: "le vin de l'espace a été très bien évalué sensoriellement", résume Philippe Darriet, directeur de l'unité de recherche oenologie à l'ISVV. Dans 11 cas sur 12, des "différences" ont été notées, mais elles restaient surtout visuelles.

Espoir de plantes plus résilientes

En parallèle, les scientifiques surveillent l'évolution des sarments qui ont végété 10 mois en apesanteur, dans des alvéoles sans lumière à l'hygrométrie maîtrisée.

"Notre approche est de penser que les plantes qui auront su résister à l'absence de gravité seront plus résilientes, plus en capacité de réagir à des stress (...) comme le changement climatique", a expliqué Nicolas Gaume, président et cofondateur avec Emmanuel Etcheparre de SCU.

Des résultats dans trois ans

Une quinzaine de chercheurs sont impliqués dans ce programme privé de recherche en partenariat avec l'université d'Erlangen (Allemagne) et le Centre national d'études spatiales (Cnes) français.

La moitié des sarments ont été replantés dans les serres du leader mondial des pépinières viticoles, le Groupe Mercier, pour des débouchés futurs. L'autre moitié, à l'ISVV, est comparée et analysée avec des lots identiques restés sur Terre. Mais il faudra attendre trois ans pour savoir si certaines plantes ont subi des modifications épigénétiques (dans l'expression des gênes).

"L'attente finale, c'est de 'challenger' les plantes et de regarder si elles ont acquis une meilleure tolérance à des agents pathogènes comme le mildiou", et à "un contexte de changement climatique",  a expliqué Stéphanie Cluzet, directrice de recherches et professeure à l'ISVV.

afp/oang

Publié