Dimanche matin, quatre astronautes sont revenus sur Terre en provenance de la station spatiale internationale. Ils y ont laissé sept autres astronautes, dont quatre nouveaux arrivants parmi lesquels on compte le Français Thomas Pesquet.
Ces deux transports ont été assurés par SpaceX, la société d'Elon Musk, qui est la toute première entreprise privée à se voir confier ce type de missions par la NASA.
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Implication du secteur privé
Désormais, l’implication du secteur privé est devenue incontournable dans la conquête spatiale. "Pour le lancement d'une fusée Ariane, on est aux alentours de 200 millions d'euros, contre environ 60 millions pour une Falcon 9 de la société SpaceX, indique Willy Benz. Cette différence de coûts donne un regain d'intérêt pour l'espace et ouvre de nouvelles opportunités pour les scientifiques."
Mais des investisseurs comme Elon Musk ou Jeff Bezos, patron de Blue Origin, le font en priorité car ils y voient un intérêt financier. "Plus les fusées seront bon marché, plus l'on pourra mettre des satellites en orbite et plus il y aura un intérêt du secteur privé, que ça soit au niveau des communications ou de l'exploration des astéroïdes", précise le scientifique suisse, responsable de la mission du télescope Cheops qui scrute les exoplanètes.
La place de la Chine
Et le secteur privé n'est pas le seul à s'intéresser à ces nouveaux territoires. Ces dernières années, plusieurs pays ont rejoint la liste restreinte de ceux qui comptent dans la conquête spatiale.
Parmi ceux-ci, la Chine fait actuellement un énorme forcing qui doit lui permettre de concurrencer les Américains. En pleine construction de sa première station spatiale, nommée en anglais CSS, elle veut établir des humains sur la Lune et flirte aussi avec Mars.
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"Il est évident qu'il y a un intérêt stratégique pour les grandes nations à s'embarquer dans la conquête spatiale. Cela permet de montrer la puissance technologique du pays, car, malgré tout, ce n'est pas si simple de poser des êtres humains sur la Lune et de les ramener sains et saufs. C'est quelque chose que peu de nations savent faire aujourd'hui. L'Europe, par exemple, ne l'a pas encore fait", précise Willy Benz.
Mais se placer dans la course à la conquête de l'espace doit aussi servir d'ouverture économique pour le futur. Les grandes nations n'ont pas envie de rater le coche d'une expédition qui pourrait ressembler à une nouvelle ruée vers l'or. "L'espace, c'est un peu la conquête de l'Ouest revisitée, car l'exploration des astéroïdes pourrait permettre de ramener des ressources sur Terre", explique l'astrophysicien suisse. Un but encore lointain mais qui aura une importance stratégique capitale le jour où il pourra être réalisé.
Retour sur la Lune
Dans un futur bien plus proche, avec l'arrivée de ces nouveaux acteurs, c'est la Lune qui est redevenue une destination prisée, alors qu'elle était un peu "boudée" par les scientifiques, plus focalisés sur Mars. Mais pourquoi vouloir à nouveau fouler l'astre lunaire?
En plus de son intérêt pour comprendre l'histoire de la Terre, les deux astres ayant été formés à peu près au même moment, la Lune pourrait servir de base avancée à la conquête de l'Univers. "Une sorte de garage où l'on pourrait mettre le matériel pour aller sur Mars ou plus loin", note Willy Benz.
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Et le lancement d'une fusée depuis la Lune aurait ses avantages. L'astre étant beaucoup moins massif que la Terre, ce serait une opération bien plus facile à réaliser depuis là-haut. Encore faut-il pouvoir construire la fusée et trouver le carburant pour la faire décoller directement sur place, "sinon on ne gagne rien". Les recherches portent donc actuellement sur le moyen d'extraire du carburant de la Lune. "On peut utiliser l'eau qui se trouve sur place sous forme de glace et la dissocier en hydrogène et en oxygène afin de préparer du carburant pour les fusées", explique l'astrophysicien.
Autosuffisance en oxygène
Fabriquer de l'oxygène sur place aurait évidemment aussi d'énormes avantages pour les missions humaines qui voudraient s'établir sur une planète qui en est dépourvue. Le robot Perseverance de la NASA vient d'ailleurs de réussir l'exploit de fabriquer, directement sur Mars, environ 5 grammes d'oxygène.
"Pour l'instant, c'est surtout une démonstration technologique, tempère Willy Benz, mais si on imagine une base sur Mars, créer son propre oxygène serait extrêmement avantageux puisque cela éviterait d'alourdir les fusées en transportant de l'oxygène". Et être autosuffisant une fois installé sur Mars ouvrirait bien évidemment des perspectives encore inédites jusqu'ici.
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente