Au début du premier confinement du printemps dernier, des images et vidéos de la nature reprenant ses droits dans des villes endormies ont fait le tour du monde: pumas à Santiago du Chili, canards dans les rues de Paris, coyotes à San Francisco, baleines tout près des côtes dans les Calanques de Marseille ou encore poissons revenus dans les canaux de Venise.
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Un an après, pourtant, le bilan de cette pause de l'activité humaine semble peu marquant pour la biodiversité, même s'il est encore très difficile à mesurer par manque de recul et d'études sur cette période. De plus, une vision d'ensemble est rendue compliquée par la multitude de confinements différents et plus ou moins stricts d'une région à l'autre.
Bénéfice limité et temporaire
"La faune a repris un peu plus de place dans certains lieux, mais ça ne veut pas dire qu'elle s'est développée. Dès que le confinement s'est terminé, elle est retournée de là où elle venait. L'impact a été extrêmement limité et très temporaire", a résumé le président du Museum d'histoire naturelle de Paris Bruno David dans l'émission Tout un monde de la RTS lundi. Avec la baisse du trafic, la concentration en particules fines a pourtant baissé drastiquement dans les grandes villes les plus polluées. Dans le monde, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 7% en 2020.
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Mais la production industrielle et le commerce mondial, eux, ont continué à fonctionner très largement. En somme, notre immobilité physique n'est pas vraiment efficace pour améliorer la situation en matière de biodiversité. "Il faut qu'on change plus fondamentalement nos pratiques", plaide Bruno David.
Il dénonce notamment l'addiction de l'homme aux plastiques et le danger constitué par l'extinction de masse de milliers d'espèces, un problème qui avance masqué. "En une trentaine d'années, 40% des oiseaux des plaines agricoles ont disparu" en France, s'alarme le naturaliste, qui évoque aussi des études menées en Allemagne pointant la disparition de 70% des insectes dans des zones pourtant protégées.
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Déboisement de l'Amazonie en hausse
Et même là où les touristes ont disparu pendant la pandémie, des problèmes nouveaux ont émergé pour la faune et la flore. Le directeur romand de Birdlife François Turrian évoque même une "catastrophe" pour la survie des écosystèmes.
"Les grands parcs nationaux, notamment sous les tropiques, dépendent largement du tourisme occidental pour leur survie. Sans la présence des touristes, il n'y a plus de revenus (...). Les gardes se retournent alors vers le braconnage ou la déforestation, simplement pour pouvoir nourrir leur famille", prévient-il. Le déboisement de l'Amazonie a par exemple augmenté de 30% l'an dernier, officiellement à cause du confinement des gardes-faune.
Sujet radio: Blandine Levite
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Des oiseaux plus visibles, mais pas plus nombreux
Une étude espagnole a montré que les oiseaux, en ville, étaient plus visibles pendant le confinement. lls ont adapté leur chant, se sont moins épuisés à couvrir le bruit de la circulation, ont repris un rythme plus naturel en chantant à la bonne heure, sans les perturbations liées au trafic. Mais au final, ils n'ont pas été plus nombreux: c'est nous qui les avons davantage remarqués, note l'étude.
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Le semi-confinement adopté en Suisse a même été néfaste à certains oiseaux. "Il y a eu une explosion de la fréquentation des milieux naturels par un public qui n'y allait pas forcément avant", explique le directeur romand de Birdlife François Turrian, qui liste une série de comportements problématiques, des chiens non-tenus en laisse dans des réserves aux feux allumés dans des marais ou autres endroits où ils sont interdits.
Appel mondial à la collecte de données
Une quinzaine de chercheurs et chercheuses spécialistes de la faune sauvage ont lancé un appel mondial à la collecte de données pour voir et mieux comprendre les liens entre les variations de l'activité humaine et les comportements des animaux. Ils font partie de la société internationale de bio-logging, une technologie de tracking via des données qui mesurent l'activité des animaux, issues par exemple de GPS ou d'accéléromètres. Un milliard de données issues de 350 espèces sont ainsi étudiées dans le monde entier.
"Les espèces réagissent différemment à la présence humaine. Dans certains cas, les animaux sont très perturbés et évitent vraiment leur présence. Dans d'autres, ils peuvent s'y habituer facilement et même devenir nos compagnons en ville", explique l'écologiste animalière à la fondation Edmund Mach de Trente Francesca Cagnacci.
Maintenir la diversité des écosystèmes
"Pour maintenir la complexité et la diversité des écosystèmes, on a besoin de toutes ces espèces. Or, leur position sur la carte n’est pas flexible. Ce sont des êtres qui ont besoin de leur espace, de leurs ressources, qui ont besoin d’agir de manière à poursuivre leur reproduction, leur survie", poursuit la spécialiste.
Pour beaucoup de scientifiques, la pandémie actuelle pourrait provenir d'un dérèglement de l'écosystème et de la biodiversité. Son appauvrissement rapproche en effet les animaux sauvages et leurs virus des espèces humaines.
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