Hautement stratégique, le lithium est actuellement essentiel à la transition énergétique. Il entre dans la fabrication des batteries, des voitures électriques ou des éoliennes.
Et l'Allemagne veut en profiter pleinement. L'entreprise germano-australienne Vulcan Energy Resources lève actuellement des fonds pour ce faire et il lui faut trouver 2 milliards de francs pour lancer l'extraction du lithium allemand.
Cette opération est facilitée par le prix du lithium qui monte en flèche. Cette année, la demande en lithium pour les voitures électriques a dépassé l'offre.
Il s'agit aussi d'une excellente nouvelle pour l'industrie automobile allemande qui lui permettrait, à terme, de construire plus de 400 millions de véhicules électriques.
Les États attentifs
Vulcan Energy Resources peut également compter sur les déclarations politiques qui se multiplient pour garantir l'approvisionnement en lithium. L'Union européenne juge le métal stratégique, allant jusqu'à établir un plan pour en garantir l'approvisionnement.
Cette semaine, l'Agence internationale de l'énergie a tiré la sonnette d'alarme: si le monde veut tenir ses objectifs climatiques, les Etats doivent se pencher urgemment sur leur approvisionnement en minerais. Elle estime que la demande de lithium sera multipliée par 40 d'ici 2040.
Le gouvernement allemand estime, lui aussi, que ce métal est essentiel pour son programme de protection du climat. Notamment pour remplir l'objectif de la chancelière Angela Merkel de voir sur les routes entre 7 et 10 millions de voitures électriques d'ici 2030.
L'extraction du lithium
En attendant, le lithium se trouve dans des eaux profondes, sous le Rhin. Ce n'est pas une surprise pour Sébastien Pilet, professeur de géologie à l'Université de Lausanne.
"On s'attend à trouver du lithium dans les régions où il y a de l'activité volcanique. C'est le cas dans le bassin rhénan, avec les massifs du Kaiserstuhl et du Eifel qui peuvent être une source importante de lithium", explique le chercheur vendredi dans La Matinale.
Reste à extraire le métal. "Il va falloir pomper l’eau en surface et ensuite séparer les différents sels qui sont dissous dans la nappe phréatique. On aura du sel de sodium, de potassium et un peu de lithium. Cette étape-là est compliquée. Elle demande du temps et de l’énergie pour séparer le lithium", détaille Sébastien Pilet.
La géothermie pour l'extraction
Vulcan Energy Resources estime pouvoir fournir du lithium neutre en carbone, en construisant cinq centrales géothermiques.
"Cette énergie sert à pomper l’eau jusqu'à la surface, la faire évaporer et séparer les différents sels", explique Sébastien Pilet. "L'énergie géothermique est très intéressante, car autrement on utilise des énergies qui sont sources de CO2, avec un bénéfice quasi nul dans le processus."
L'extraction pourrait débuter en 2024. Reste encore plusieurs inconnues: y aura-t-il des oppositions de riverains? Quelle sera la rentabilité exacte de l'opération d'extraction? Faut-il extraire en Europe pour mieux contrôler les impacts environnementaux?
A noter encore un autre problème: l'approvisionnement en terres rares, qui entre aussi dans le processus de fabrication des batteries, n'est pas garanti, car on importe ces matériaux principalement de Chine à l'heure actuelle.
Pascal Wassmer avec les agences
Et en Suisse?
La présence de lithium est dépendante l'activité volcanique. En Suisse, il n'y en a pas eu depuis plusieurs centaines de millions d'années.
"A l'heure actuelle, c'est très compliqué d'avoir du lithium qui est concentré dans une région spécifique. Nous n'avons pas les mêmes conditions géologiques qu'en Allemagne", estime Sébastien Pilet, professeur de géologie à l'Université de Lausanne.
Avec les énergies vertes, des besoins en minerais en plein essor
Voitures électriques, rotors d'éoliennes et autres unités de stockage sont très gourmands en certains métaux: une voiture électrique en demande six fois plus qu'un véhicule à moteur thermique, un site éolien terrestre neuf fois plus qu'une centrale à gaz de taille équivalente, pointe l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Lithium, nickel, cobalt, manganèse, graphite offrent longévité et efficacité aux batteries, les aimants de turbine font appel à des terres rares, les réseaux exigent du cuivre.
Dans un rapport publié mercredi, l'Agence a évalué les besoins futurs, en fonction des évolutions technologiques et du rythme auquel le monde se tournera vers des énergies bas-carbone (charbon, pétrole et gaz générant aujourd'hui les trois quarts du réchauffement planétaire).
Agir avant la pénurie
Selon l'AIE, d'ici 2040 la demande globale du secteur énergétique pour ces minerais pourrait quadrupler si le monde se conforme aux engagements de l'accord de Paris. Ce sera un facteur six s'il tend vers la neutralité carbone pour le milieu de siècle.
"Que se passera-t-il si nous ne prenons garde au sujet minerais? Les prix risquent de grimper de manière abrupte, synonyme de transition plus coûteuse et donc plus lente que nous le souhaitons", dit Fatih Birol,directeur de l'AIE.
"Les chiffres montrent un décalage imminent entre des ambitions climatiques mondiales accrues et la disponibilité de minerais critiques indispensables pour concrétiser ces ambitions", prévient-il, "appelant" les gouvernements à "élargir leur horizons", à ne "pas seulement subventionner voitures électriques ou panneaux solaires, mais penser aussi au revers de la médaille".
"En agissant dès maintenant et de concert sur la question des minerais, les gouvernements peuvent significativement réduire les risques de volatilité des prix et de perturbation de l'offre", ajoute-t-il.