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Alexandra Calmy: "Le VIH est le roi de la mutation. A côté, le Covid est un petit joueur"

Alexandra Calmy, médecin infectiologue et responsable de l'Unité VIH aux HUG. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
L'invitée: Alexandra Calmy / Six heures - Neuf heures, le samedi / 7 min. / le 5 juin 2021
Quarante ans exactement après la première alerte concernant des cas de sida, il n'existe toujours pas de vaccin. La comparaison avec le Covid, et ses vaccins élaborés en quelques mois, est délicate. La faute à un virus du VIH qui mute très souvent, explique l'infectiologue Alexandra Calmy.

Le 5 juin 1981, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) américains signalent une recrudescence des cas de pneumonies et de sarcomes de Kaposi (une tumeur causée par le virus de l’herpès HHV-8) dans les villes de Los Angeles, San Francisco et New York.

C’est la première alerte concernant le sida. A l’époque, on ignore tout de cette maladie qui n’a pas encore de nom. Les malades sont tous homosexuels et on évoque alors le "cancer gay".

"Cela a été très vite pris au sérieux", a expliqué Alexandra Calmy, infectiologue et responsable de l'Unité VIH Sida aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), dans le 6h-9h de samedi.

>> Voir le sujet du 19h30 sur les premiers cas recensés de sida :

Il y a 40 ans, les Etats-Unis recensaient les premiers cas d'une maladie encore inconnue, le SIDA.
Il y a 40 ans, les Etats-Unis recensaient les premiers cas d'une maladie encore inconnue, le SIDA. / 19h30 / 1 min. / le 5 juin 2021

Une ampleur insoupçonnée

"Les cas signalés étaient très inhabituels: ils concernaient des hommes jeunes sans histoire médicale compliquée mais qui présentaient un spectre de maladies très sévères. A l'époque, personne ne pouvait imaginer l'ampleur que cette pandémie allait prendre. Les scientifiques ont pris ces cinq cas au sérieux mais ne les ont pas forcément compris comme étant les prémices d'une pandémie qui allait faire autant de dégâts", a rappelé Alexandra Calmy.

En comparaison avec la pandémie de SARS-CoV-2 actuelle, la temporalité est très différente avec le virus du sida qui n'a été mis en évidence que 2 ans après la découverte des premiers symptômes. "Nous avons attendu très longtemps pour avoir des premiers traitements et ces premiers traitements étaient peu accessibles et étaient extrêmement coûteux", a encore expliqué l'infectiologue.

Le premier médicament utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH, AZT, est arrivé en 1987. "Les fameuses trithérapies qui ont été la révolution thérapeutique du siècle ont été mises au point en 1997 et elles n'étaient pas accessibles à tout le monde tout de suite", a ajouté la Genevoise.

Toujours pas de vaccin

Quarante ans plus tard, les médecins ont beaucoup appris sur le sida mais il n'existe toujours pas de vaccin. Pourquoi?

Ce sont des raisons médicales qui expliquent qu'il n'y a toujours pas de vaccin", selon Alexandra Calmy. "Le VIH s'attaque aux cellules immunitaires, ces mêmes cellules qu'on aimeraient booster quand on injecte un vaccin. D'autre part, on ne guérit pas du VIH, on n'a pas un modèle naturel qui nous montre que quand on produit un certain nombre d'anticorps neutralisants, on guérit, ce qui se passe avec le Covid".

De plus, le virus du VIH est le roi de la mutation. "A côté, le SARS CoV-2 est un petit joueur. Le VIH mute tellement qu'il nous met à l'épreuve pour trouver un vaccin qui serait efficace pour toutes les souches existantes", a encore relevé la médecin.

>> Lire aussi : Les nouvelles infections du VIH ont reculé de 30% en dix ans

Une stigmatisation persistante

Également invitée dans le 19h30, Alexandra Calmy explique que les stigmates pèsent encore lourdement sur les patients. "La maladie se vit de façon encore très cachée, même lors des consultations médicales, on le voit très bien. Je dirais qu'encore maintenant, la stigmatisation est le drame de la pandémie, sa signature. Il y a encore près de 100 pays qui criminalisent tout ce qui a trait de près ou de loin avec la transmission du VIH, et ça, c'est un désastre pour la santé publique."

>> L'interview complète d'Alexandra Calmy dans le 19h30 :

Alexandra Calmy: "Le SIDA se vit encore de façon très cachée, la stigmatisation a été la signature de cette pandémie"
Alexandra Calmy: "Le SIDA se vit encore de façon très cachée, la stigmatisation a été la signature de cette pandémie" / 19h30 / 2 min. / le 5 juin 2021

Propos recueillis par Anne-Laure Gannac

Adaptation web: France-Anne Landry

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