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L'inégalité face au vaccin représente un risque pour le monde entier

Une vaccination trop inégalitaire risque de favoriser l'apparition de variants qui échappent à la protection du vaccin.
Une vaccination trop inégalitaire risque de favoriser l'apparition de variants qui échappent à la protection du vaccin. / 19h30 / 2 min. / le 11 juin 2021
L'OMS et la communauté scientifique appellent à une meilleure répartition des vaccins contre le Covid-19 au niveau mondial. Plus qu'une question de solidarité, il s'agit surtout de garantir la sécurité au niveau mondial. Une vaccination inégalitaire risque de favoriser l'apparition de variants plus résistants.

Six mois après l'arrivée des premiers vaccins, plus de 40% des doses produites ont été injectés dans les pays les plus riches. Les pays les plus pauvres n'ont bénéficié que de 0,4% des vaccins, soit 100 fois moins.

Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cette différence énorme est non seulement choquante, mais elle représente surtout un danger pour tout le monde.

"Une distribution inégale de vaccins est une menace pour tous les pays et pas seulement pour ceux qui ont le moins de vaccins. [...] La distribution inéquitable de vaccins a permis au virus de continuer à se répandre, favorisant l'émergence d'un variant qui rendrait la vaccination moins efficace", a affirmé lundi le directeur de l'OMS Tedros Ghebreyesus.

Remède pire que le mal

L'objet de cette inquiétude est la pression de la sélection. Un vaccin 100% efficace administré rapidement à tout le monde est un mur infranchissable pour tous les virus et probablement même contre la plupart des variants.

En revanche, si le vaccin n'est pas 100% efficace ou que peu de gens sont vaccinés, le remède peut s'avérer pire que le mal. Le mur est troué et laisse passer quelques virus. Si un variant franchit ce mur, il est "sélectionné" et peut ensuite se répandre rapidement, surtout en l'absence de concurrence. 

"Les populations peu immunisées, peu vaccinées offrent un bouillon de culture pour que le virus se multiplie et accumule des mutations. Les variants émergent, s'ils ont la capacité de se répandre dans la population immunisée, vont le faire", explique Didier Trono, virologue à EPFL.

Quatre variants préoccupants

Aujourd'hui les variants Alpha, Beta, Gamma et Delta, identifiés pour la première fois respectivement au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, au Brésil et en Inde, sont particulièrement préoccupants et font déjà le tour de la planète.

Ces quatre variants sont plus transmissibles que le virus originel. Plusieurs études indiquent aussi que les variant Beta et Delta échappent partiellement à l'immunité conférée par certains vaccins et à l'immunité après infection.

Les variants les plus préoccupants. [RTS]
Les variants les plus préoccupants. [RTS]

"Cette inégalité dans la vaccination est un appel à la catastrophe. Si on n'arrive pas à atteindre un degré d'immunité élevé sur l'ensemble de la planète, le Sars-Cov-2 va être endémique. C'est-à-dire qu'il va continuer à circuler sous forme de variants plus ou moins transmissibles, plus ou moins sensibles à l'immunité ou au vaccin utilisé", souligne Didier Trono.

10% en septembre

Pour limiter ces risques l'OMS a appelé cette semaine à un effort mondial massif pour vacciner au moins 10% de la population de chaque pays d'ici septembre et au moins 30% d'ici la fin de l'année. Soit un besoin total de 250 millions de doses. Actuellement, un total de 12,3% de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin, selon le site Our world in data. Mais ce pourcentage se répartit de manière inégale d'un pays à l'autre.

"Ce week-end, les dirigeants des pays du G7 se réuniront pour leur sommet annuel. Ces sept nations ont le pouvoir d'atteindre cet objectif. Je leur demande non seulement de s'engager à partager les doses, mais à les partager en juin et juillet", a insisté le directeur de l'OMS.

Pour que la pandémie s'éteigne complètement avant l'émergence de nouveaux variants multirésistants, il faut que 70 à 80% de la population mondiale soit immunisée, soit en guérissant de la maladie ou grâce aux vaccins les plus efficaces. 

Christophe Ungar, Feriel Mestiri

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