Les Hobbits, Néandertal et les autres: quand nous n'étions pas les seuls êtres humains

Grand Format Préhistorique

Université de Zurich

Introduction

Il y a 50'000 ans, au moins cinq espèces humaines habitaient la planète. Avec les avancées technologiques, le portrait de famille s'élargit rapidement. Notre série d'été propose de faire le tour de ces cousins-cousines: leur look, leurs aventures et, surtout, qui couchait avec qui.

Chapitre 1
Un portrait de famille plutôt bigarré

AFP - Mandel Ngan

Essayer de s'imaginer l'Humanité d'il y a 50'000 ans est un bel exercice de décentrage. Parce que nous sommes assez habitués à être uniques au monde, nous, les Homo sapiens. Quand on a identifié les hommes et les femmes de Néandertal au XIXe siècle, il a bien fallu se faire à l'existence d'au moins une espèce cousine. Mais depuis les années 2000, avec l'essor de la génétique notamment, le rythme des découvertes s'est brutalement accéléré.

>> Lire : Extraire de l'ADN du sol pour lire l'Histoire de l'Humanité

"On sait désormais qu'il y avait à l'époque cinq ou six sortes d'êtres humains différents, peut-être plus, qui ont coexisté et qui se sont rencontrés de temps à autre", relève Tom Higham, archéologue à l'Université d'Oxford. Les spécialistes estiment qu'on va probablement en trouver d'autres, d'autant qu'il y a des sortes de lignées fantômes dans notre ADN qui suggèrent leur existence. En attendant, notre série passe en revue ce portrait de famille... plutôt bigarré.

Dans son dernier livre, "The World Before Us" – en français, "Le Monde avant nous" – Tom Higham compare d'ailleurs la Terre d'il y a 50'000 ans à la Terre du Milieu de Tolkien, avec ses elfes, ses géants et autres créatures fantastiques. Il souligne la variété de ces populations, à quel point elles pouvaient avoir des allures différentes, avec notamment deux espèces de "hobbits", qui ne faisaient pas plus d'un mètre.

Chapitre 2
Un hobbit semi-arboricole

AFP - Florent Détroit

La dernière espèce en date n'a été officiellement reconnue qu'en 2019, mais les premiers ossements ont été trouvés en 2007, dans la grotte de Callao, au nord-est de Luçon, la plus grande île des Philippines.

>> Lire : L'Homo luzonensis, nouvelle espèce humaine découverte aux Philippines

Un troisième métatarse droit, un os du pied, trouvé en 2007 dans la Grotte de Callao, aux Philippines. [Keystone/AP - Bullit Marquez]
Un troisième métatarse droit, un os du pied, trouvé en 2007 dans la Grotte de Callao, aux Philippines. [Keystone/AP - Bullit Marquez]

Outre sa taille, Homo luzonensis avait des caractéristiques assez étonnantes.

Notamment, des os des pieds qui laissent penser que le petit être vivait peut-être encore en partie dans les arbres: "On a une phalange d'orteil recourbée avec des zones d'insertion des muscles fléchisseurs des pieds très développées", illustre Florent Détroit, paléoanthropologue au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris et codécouvreur de l'espèce.

>> Ecouter, "L'espèce humaine Homo luzonensis":

Des fossiles de l'homo luzonensis découverts aux Philippines. [AFP - Noel Celis]AFP - Noel Celis
La Matinale - Publié le 19 juillet 2021

"Les muscles fléchisseurs des pieds, c'est ce qui sert à attraper des choses avec les pieds. Des caractères qui ont totalement disparu de notre pied, qui est hyper adapté à la marche bipède".

On n'en sait pas beaucoup plus sur Homo luzonensis: pas d'ADN, et les quelques os retrouvés ne permettent pas de reconstituer un corps ou un visage. Toutefois il semble en tout cas que ces personnes utilisaient des outils de pierre taillée.

>> Ecouter CQFD, " :

Comparaison de dents d'Homo luzonesis, d'Homo erectus et d'Homo sapiens.
Florent DETROIT
AFP [Florent DETROIT]Florent DETROIT
CQFD - Publié le 17 juin 2019

Chapitre 3
Nordic lover

Biosphoto - Fabien Bruggmann

L'espèce humaine que l'on connaît le mieux – à part la nôtre – c'est celle de Néandertal, puisque les premiers ossements ont été identifiés dans les années 1820.

"L'impact de cette découverte sur la science a été vraiment très profond, parce que c'était clair que les Néandertal étaient comme nous... mais pas totalement comme nous", souligne Tom Higham. "Globalement, ces gens avaient un plus gros crâne que nous et une arcade sourcilière nettement plus proéminente, avec des orbites un peu plus grandes, et un nez un peu plus large. Ils n'avaient pas de menton et ils étaient de manière générale plus trapus, plus robustes physiquement, musclés".

Représentation d'une femme de Néandertal habillée de façon moderne (par agnès b.) à l'exposition Néandertal au Musée de L'Homme à Paris, mai 2016. [Hans Lucas via AFP - Franck Bessière]
Représentation d'une femme de Néandertal habillée de façon moderne (par agnès b.) à l'exposition Néandertal au Musée de L'Homme à Paris, mai 2016. [Hans Lucas via AFP - Franck Bessière]

Des différences vraisemblablement dues au fait que les Néandertal se sont adaptés aux conditions climatiques d'Europe et d'Asie occidentale, souvent plus froides que le climat africain dans lequel nous autres, Homo sapiens, avons évolué.

Reste qu'aujourd'hui, beaucoup de paléoanthropologues s'accordent pour dire que si on habillait un homme ou une femme de Néandertal avec la collection printemps-été 2021, et qu'on les plantait dans le métro, personne ne les remarquerait.

On a pourtant longtemps mis une bonne couche de supériorité bien isolante entre eux et nous: on ne pouvait décemment pas avoir grand-chose en commun avec ces êtres rustauds. Jusqu'à ce qu'en 2010, la génétique nous force à admettre qu'en fait, on couchait ensemble, et que quelque chose de ces populations avait survécu dans notre ADN.

"Ça a été un vrai coup de théâtre", commente Anna-Sapfo Malaspinas, généticienne des populations à l'Université de Lausanne. "Cette idée d'un métissage, on l'avait exclue pendant très longtemps: l'Homo neanderthalensis n'avait rien à voir avec l'Homo sapiens... Donc, voir un épisode d'hybridation, ça a complètement changé notre façon de voir l'Histoire de l'Humanité. Ça nous rappelle qu'on est tous des animaux, que l'hybridation, ça arrive souvent entre population animales, et qu'on n'est pas à tel point exceptionnel que cela nous isole des autres".

>> Ecouter "L'espèce humaine Homo neanderthalensis": 

Une reconstitution d'un squelette de Néanderthal. [Keystone - Matthias Rietschel/dapd]Keystone - Matthias Rietschel/dapd
La Matinale - Publié le 20 juillet 2021

Pilosité et entrain matinal

Résultat, une bonne partie des êtres humains ont 2 à 3% d'ADN néandertalienne, dont des gènes liés à la pilosité, à la vulnérabilité au Covid, ou encore, à la facilité à se lever le matin – si vous êtes du matin, c'est peut-être grâce à un ou une ancêtre de Néandertal.

Si on habillait un homme ou une femme de Néandertal avec la collection printemps-été 2021, personne ne les remarquerait. [Photononstop via AFP - Wieslaw Smetek/Smetek]
Si on habillait un homme ou une femme de Néandertal avec la collection printemps-été 2021, personne ne les remarquerait. [Photononstop via AFP - Wieslaw Smetek/Smetek]

Si on a échangé du matériel génétique, il est tout à fait possible qu'on ait aussi échangé quelques astuces technologiques au coin du feu.

On sait aujourd'hui que ces cousins-cousines nordiques maîtrisaient certains pictogrammes de base et probablement des formes plus complexes d'art. Mais nos ancêtres ne passaient vraisemblablement pas leur temps ensemble, à boire des verres, mastiquer du rhinocéros laineux ou plus si affinité – sinon, "il n'y aurait pas deux populations distinctes, mais une seule", souligne Anna-Sapfo Malaspinas.

>> Lire : L'homme de Néandertal aurait disparu depuis plus longtemps qu'estimé

Deux populations dont une a disparu, il y a environ 40'000 ans. Alors pourquoi eux et pas nous, alors que l'avenir est censé appartenir à ceux qui se lèvent tôt? On ne le sait pas.

Mais comme le souligne Tom Higham, ces gens ne se sont pas complètement volatilisés, puisque si on met bout à bout tous les brins d'ADN de Néandertal qui subsistent encore chez les humains d'aujourd'hui, on peut reconstruire 20% de leur génome. "D'une certaine manière, ils continuent à vivre en nous", relève l'archéologue.

>> Lire : Des gènes de la créativité ont donné à Homo sapiens un avantage

Chapitre 4
Petite femme, grande navigatrice

Reuters
Le squelette d'Homo floresiensis découvert dnas la grotte de Liang Bua, à Ruteng, en Indonésie, sur l'île de Flores. [Keystone/AP photo - William Jungers/Dpt of Anatomical Sciences, Stony Brook University Medical Center]
Le squelette d'Homo floresiensis découvert dnas la grotte de Liang Bua, à Ruteng, en Indonésie, sur l'île de Flores. [Keystone/AP photo - William Jungers/Dpt of Anatomical Sciences, Stony Brook University Medical Center]

Après la découverte de Néandertal, on a longtemps pensé qu'il n'y avait qu'eux et nous. Il a fallu attendre presque 200 ans, jusqu'à ce qu'en 2004, on annonce la découverte d'un tout petit humain, dans la grotte de Liang Bua, sur l'île indonésienne de Florès.

L'homme de Florès – ou plutôt la femme de Florès, puisque, comme le souligne Florent Détroit, le seul squelette à peu près complet dont on dispose est celui d'une femme – avait une très petite capacité crânienne, comparable à celle d'un chimpanzé. Elle faisait à peu près un mètre et avait des bras et des pieds très longs comparé à un humain moderne.

"Homo floresiensis, ça a vraiment été un grand jour pour la paléoanthropologie", se rappelle Tom Higham. "Quand les articles ont été publiés dans Nature, beaucoup de gens ne pouvaient pas accepter qu'il s'agissait vraiment d'une nouvelle branche de l'Humanité. Pendant des années, certains paléoanthropologues ont soutenu qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle espèce humaine, à part, mais de petits êtres humains modernes, atteints d'une pathologie".

Pourtant, ses caractéristiques laissent penser que la dame de Florès, comme Homo luzonensis, vivait encore en partie dans les arbres.

Une modélisation du visage d'un Homo floresiensis. [Keystone/AP - Kinez Riza]
Une modélisation du visage d'un.e Homo floresiensis. [Keystone/AP - Kinez Riza]

Elle utilisait des outils en pierre taillée et savait peut-être se servir du feu. Mais niveau technologie, la grande question, c'est de savoir comment elle est arrivée là.

Ou plutôt, comment ses ancêtres sont arrivés là, puisqu'il y a sur Florès des fossiles d'hominines encore plus archaïques – eux aussi de petite taille – qui remontent à près d'un million d'années.

Or, l'île est séparée du reste de l'Indonésie par des passages marins où les courants sont tellement forts qu'il est peu probable de les traverser sans se fabriquer une sorte d'embarcation.

>> Ecouter "L'espèce humaine :

Une femme "de Florès". [AFP - Stéphane de Sakutin]AFP - Stéphane de Sakutin
La Matinale - Publié le 21 juillet 2021

Homo floresiensis":

>> Lire : Un groupe humain encore inconnu révélé par l'ADN d'un squelette

Un rameur dans le coma

L'Homo floresiensis avait une très petite capacité crânienne et avait des bras et des pieds très longs comparé à un être humain moderne. [Keystone/AP photo - Peter Schouten/National Geographic]
L'Homo floresiensis avait une très petite capacité crânienne et avait des bras et des pieds très longs comparé à un être humain moderne. [Keystone/AP photo - Peter Schouten/National Geographic]

Robert Bednarik, préhistorien à l'Université de Hebei, en Chine, estime qu'on a tendance à sous-estimer les capacités des humains archaïques dans ce domaine. Il a dédié une bonne partie de sa vie à tester cette hypothèse, en tentant de refaire ces traversées avec les moyens de l'époque.

Il a failli y laisser sa peau plusieurs fois et, son pire souvenir, c'est quand avec son équipe, il a tenté de faire la cinquantaine de kilomètres qui séparent les îles de Bali et de Lombok, juste à l'ouest de Florès, dans la zone des fameux courants, en radeau à rame.

"La première fois, on a échoué dans des conditions terribles", raconte-t-il. "La deuxième fois, on y est arrivés de justesse. C'était extrêmement éprouvant. Pendant le voyage, un des rameurs est tombé dans le coma à cause de l'épuisement. Il est resté inconscient pendant deux jours".

Et pour Robert Bednarik, c'est la preuve qu'Homo floresiensis ou ses ancêtres ne sont pas arrivés là par hasard, porté par un tsunami, par exemple. D'autant qu'à ses yeux, pour établir une population, il faudrait au moins une cinquantaine de personnes pour que le pool génétique soit assez grand. Et donc, non pas un seul radeau, mais toute une flottille. Quant à savoir ce qui pouvait pousser ces vénérables ancêtres à entreprendre des voyages aussi périlleux, on n'a que des hypothèses: catastrophes naturelles, épuisement des ressources, conflits, ou peut-être simplement le goût du large.

>> Lire : La plus ancienne peinture figurative connue a été réalisée en Asie

Chapitre 5
Le petit doigt d'une fille de treize ans

AFP - Dr. Richard G. Roberts

Peu de temps après la profonde remise en question provoquée par la femme de Florès, une autre découverte est venue secouer le cocotier généalogique. C'était en 2010. Jusque-là, pour décrire une nouvelle espèce humaine, faire valoir qu'elle était vraiment différente des autres, il fallait récolter patiemment des fossiles, des ossements, un bout de crâne par-ci, un col du fémur par-là.

Mais après le séquençage du premier génome humain en 2003 et avec les progrès réalisés dans la lecture de l'ADN ancien, les scientifiques russes décident d'envoyer un petit bout de phalange de doigt retrouvé dans les années 1990 dans la grotte de Denisova, dans l'Altaï, en Sibérie, à des labos d'analyses génétique: "Or ils ont réalisés que quand on alignait cet ADN avec celui de Néandertal et des humains anatomiquement modernes, il y avait des différences significatives", explique Tom Higham. "Et ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose, qu'il ne s'agissait ni de Néandertal, ni d'un humain moderne, mais de quelque chose d'autre: une troisième espèce".

>> Ecouter "L'espèce humaine :

Fragment de phalange de l'Homo denisovensis, et sa position dans la main. [Licence CC-BY-SA-3.0 - Thilo Parg/Wikimedia Commons]Licence CC-BY-SA-3.0 - Thilo Parg/Wikimedia Commons
La Matinale - Publié le 22 juillet 2021

C'était la première fois qu'on découvrait une espèce rien qu'avec son ADN... l'ADN d'une fillette d'environ treize ans, seule représente de toute une population jusque-là inconnue. On a bien retrouvé quelques nouveaux fossiles: trois dents à Denisova, une mâchoire au Tibet, peut-être quelques fragments de crânes. Mais pas assez pour pouvoir dire à quoi la jeune Denisovienne et ses semblables ressemblaient. Quoiqu'il en soit, l'ADN, avec son indiscrétion habituelle, a révélé que nous étions en tout cas assez proches pour coucher ensemble.

>> Ecouter "L'étude des Denisoviens révèle les interactions entre les lignées humaines préhistoriques" :

Un archéologue au travail dans la grotte de Denisova dans les montagnes de l'Altaï en Sibérie. [Sputnik/AFP - Alexandr Kryazhev]Sputnik/AFP - Alexandr Kryazhev
La Matinale - Publié le 23 août 2018

Anna-Sapfo Malaspinas, spécialiste en biologie computationnelle et évolutive à l'UNIL, souligne que les traces de métissage sont particulièrement présentes dans les populations d'Océanie, notamment en d'Australie ou en Papouasie-Nouvelle Guinée. Mais on retrouve aussi leur héritage génétique dans d'autres régions.

Avec une présence sur place plus ancienne, les Denisova étaient sûrement mieux rôdés à certains environnements et leurs gènes se sont parfois avérés très utiles. Au Tibet notamment, où il semble que leur legs génétique ait aidé les humains modernes à s'adapter à la vie en altitude. Ou en Papouasie-Nouvelles Guinée et dans d'autres îles d'Asie du sud-est, où des gènes d'origine denisovienne aident encore aujourd'hui les populations locales à mieux résister à certaines maladies tropicales.

C'est là qu'on voit à quel point ces échanges de bons procédés génétiques peuvent être pratiques, comment la biodiversité est utile en cas de coup dur.

>> Ecouter CQFD, "Les Dénisoviens plus proches des Humains modernes que des Néandertaliens" :

Reconstruction virtuelle de la cinquième phalange distale de Denisova. 
Eva-Maria Geigl/Institut Jacques Monod 
Bence Viola/Université de Toronto [Bence Viola/Université de Toronto - Eva-Maria Geigl/Institut Jacques Monod]Bence Viola/Université de Toronto - Eva-Maria Geigl/Institut Jacques Monod
CQFD - Publié le 5 septembre 2019

Chapitre 6
De gré ou de force ?

depositphotos - adrenalina

Alors, pourquoi est-ce qu'il n'y a plus que nous? Comment est-ce qu'on doit interpréter le fait que la disparition des autres espèces coïncide souvent avec notre arrivée dans leur région? Est-ce qu'il n'y avait pas assez de place ou de cuisses de mammouth pour tout le monde? Ou est-ce qu'on les a activement poussés dans les escaliers? Et ce qu'on a partagé, les innovations technologiques, les relations sexuelles avec échange de gènes à la clé, est-ce que c'était amical ou obtenu par la force?

"C'est très difficile de répondre à cette question, commente Tom Higham. Pour avoir des preuves de relations hostiles, il faudrait quelque chose comme des marques de fractures, ou de combat, comme on en voit plus tard – on peut identifier ce genre de choses. Mais même si on trouve dans certains cas des traces de violence chez Néandertal, ça correspond à des périodes où il n'y avait pour autant qu'on sache pas d'êtres humains modernes dans la région. Donc ça pourrait aussi être des violences entre Néandertals".

Peut-être que des facteurs démographiques, la conjoncture des forces en présence ou simplement le hasard ont joué un rôle: "C'est vrai que c'est assez étonnant et fascinant de se demander pourquoi on ne peut pas coexister avec ces populations encore aujourd'hui, relève Anna-Sapfo Malaspinas, qui étudie la génétique des populations notamment à partir de l'analyse de l'ADN ancien. "Ça serait quand même chouette d'avoir encore cette diversité. Mais disons que c'est souvent ce qu'il se passe en biologie: il y a des populations qui disparaissent. Ça fait partie de l'évolution, c'est un évènement assez naturel".

Chapitre 7
Espèce invasive

Keystone/AP Photo - François Mori
Une reconstruction du plus ancien Homo sapiens, découvert à Jebel Irhoud au Maroc. [MPI EVA Leipzig - Philipp Gunz]
Une reconstruction du plus ancien Homo sapiens, découvert à Jebel Irhoud au Maroc. [MPI EVA Leipzig - Philipp Gunz]

Il est possible qu'Homo sapiens, avec son gros cerveau et ses gros besoins caloriques pour le faire fonctionner ait petit à petit occupé toute la niche écologique de l'humanité, monopolisés les ressources, comme une espèce invasive. Mais est-ce que ça veut dire que d'une manière ou d'une autre nous nous sommes révélés plus habiles que les autres?

"Pendant des décennies, les scientifiques ont pensé que les raisons du succès des humains modernes venaient d'un avantage héréditaire qui nous rendaient différents, qui faisait de nous une espèce à part", répond Tom Higham.

>> Ecouter "L'espèce humaine :

Un morceau de crâne d'homo sapiens vieux de 9600 ans. [Keystone - EPA/Lex van Lieshout]Keystone - EPA/Lex van Lieshout
La Matinale - Publié le 23 juillet 2021

"Mais au cours des dix-vingt dernières années, on a réalisé que les choses étaient bien plus compliquées. Maintenant qu'on sait qu'on n'était pas seuls, qu'il y avait beaucoup d'autres sortes d'êtres humains et, aussi, qu'il y a eu métissage, la grande question, c'est de savoir quelle a été la contribution de ces autres groupes au nôtre. Est-qu'on aurait pu s'en sortir sans eux? Qu'est-ce qu'ils nous ont légué d'avantageux, biologiquement, et peut-être aussi culturellement?"

>> Lire : Le cerveau humain actuel est apparu il y a 1,7 million d'années selon une étude suisse

"Je pense qu'il est de plus en plus vraisemblable que sans cette hybridation, sans ces interactions, on n'aurait pas aussi bien réussi. Je pense que nous sommes en fait la somme de ces embranchements généalogiques complexes: nous sommes juste ceux qui ont survécu", conclut l'archéologue.

>> Ecouter aussi "A l'aube de la pensée symbolique" :

Peintures à l'intérieur de la grotte Chauvet. [CC BY-SA 2.0 - The Adventurous Eye - Flickr]CC BY-SA 2.0 - The Adventurous Eye - Flickr
Versus-penser - Publié le 23 mai 2018

Chapitre 8
Espèce extraterrestre

Cultura Creative via AFP - KaPe Schmidt
Le crâne du philosophe René Descartes (1596-1650). Musée de l'Homme, Paris, octobre 2015. [Keystone/AP photo - François Mori]
Le crâne du philosophe René Descartes (1596-1650). Musée de l'Homme, Paris, octobre 2015. [Keystone/AP photo - François Mori]

Cette biodiversité génétique intégrée et ces apports culturels nous permettront-ils de ne pas disparaître à notre tour, et l'Humanité avec?

Dans un monde aussi interconnecté que le nôtre, il est peu probable qu'il y ait à nouveau un jour plusieurs espèces distinctes. Il faudrait une séparation géographique qui n'est plus concevable aujourd'hui.

"Sauf si – qui sait? – un jour des gens quittent la planète Terre pour peupler d'autres planètes, peut-être que ça suffira", fait remarquer l'archéologue Tom Higham.

>> Lire : Willy Benz: "L'espace, c'est un peu la conquête de l'Ouest revisitée"

A voir les efforts déployés ces derniers temps par quelques milliardaires pour se propulser dans l'espace, peut-être qu'on aura un jour, quelque part dans la galaxie, une nouvelle espèce, cousine lointaine, constituée de gens très très riches.

>> Ecouter le débat, "Mars, la planète B?" :

La planète Mars. [Keystone/EPA - UAE Space Agency]Keystone/EPA - UAE Space Agency
Forum - Publié le 9 mars 2021