Modifié

Des médicaments inutiles, voire nocifs, chez 90% des personnes âgées

Une femme compte ses médicaments. [Depositphotos - motortion]
Des médicaments inutiles, voire nocifs chez les aînés / On en parle / 12 min. / le 29 septembre 2021
Selon une étude européenne, menée sous la direction de l’hôpital de l’Île et de l’Université de Berne, neuf personnes sur dix âgées de plus de 70 ans et souffrant de plusieurs maladies prennent des médicaments inutiles, voire potentiellement dangereux.

Pour parvenir à ces résultats, des spécialistes ont utilisé un outil informatique pour découvrir, en quelques clics, toutes les interactions possibles et les effets indésirables de ces prescriptions inappropriées.

L'étude a porté sur 2000 personnes de plus de 70 ans, souffrant de plusieurs maladies et prenant plus de cinq médicaments. En moyenne, chacune prenait près de trois médicaments inappropriés. Les traitements superflus ont été arrêtés, sans répercussions négatives sur la santé des patients. Cela contredit l'avis de certains spécialistes qui prétendent qu'arrêter un médicament à cet âge est dangereux.

Des prescriptions inappropriées aux causes multiples

"Ce peut être un manque de coordination, ce qu'on appelle la fragmentation des soins: le patient reçoit des médicaments de différents médecins", a expliqué dans l'émission "On en parle" Nicolas Rodondi, médecin-chef à l’Hôpital de l’Île à Berne et directeur de l’étude. "Parfois, la coordination ne peut pas être faite par le médecin de famille, soit parce qu'il n'est pas informé, soit, des fois, parce qu'il manque de temps en consultation". Avec des prescriptions à rallonge, il est en effet compliqué d'analyser manuellement chaque interaction, d'où l'intérêt du programme informatique.

Une autre cause est que, souvent, ce groupe de patients aux multiples maladies est exclu des études randomisées faites par l'industrie pharmaceutique, qui testent plutôt leurs médicaments sur des gens plus jeunes avec une seule maladie.

Logiciel testé par une quarantaine de généralistes en Suisse

Jérôme Gauthey, médecin à Bienne, a pu tester ce logiciel durant une année. "Un sacré gain de temps", a confié le praticien à "On en parle", mais aussi "un retour scientifique" pour les patients, validant la justesse de chaque prescription.

La discussion entre le patient et son médecin est facilitée grâce à l'ordinateur, "qui est une source un peu neutre". Le logiciel a ainsi permis à Jérôme Gauthey de faire arrêter à un de ses patients quatre médicaments que celui-ci refusait de stopper depuis plusieurs années: "c'est vrai que ça a un côté technique et, à ce moment-là, il était tout à fait d'accord de les arrêter".

La surmédication, une pratique dangereuse

Outre leurs effets secondaires, les médicaments inappropriés entraînent également des séjours à l'hôpital: "dans certaines études, jusqu'à 30% des hospitalisations chez ces patients âgés sont dues aux médicaments" a expliqué Nicolas Rodondi.

Comment détecter ces prescriptions superflues? "Tout symptôme inhabituel chez un patient qui a plusieurs médicaments nécessite un avis médical, cela peut être juste un téléphone à son médecin". Les effets secondaires peuvent être plus ou moins graves, mais le praticien indique qu'ils sont plus fréquents après avoir débuté un nouveau traitement: "il faut être particulièrement attentif dans les semaines après avoir débuté un nouveau médicament".

Enfin, il est important d'informer son médecin si de nouveaux médicaments ont été prescrits, après avoir été aux urgences par exemple ou après avoir vu un spécialiste, pour qu'il puisse contrôler qu'il n'y ait pas d'interactions ou d'effets négatifs avec le nouveau traitement. Il faut aussi toujours parler avec son médecin de l'arrêt d'un médicament.

Sujet radio: Marie Tschumi, Bastien von Wyss et Philippe Girard

Adaptation web: Sylvie Ravussin

Publié Modifié