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Le potentiel didactique et cognitif des jeux vidéos

Les jeux vidéo, une futilité chronophage? Certainement pas, répond la spécialiste de la cognition Daphnée Bavelier, professeure à l'Université de Genève. Le "gaming" peut (éventuellement) améliorer notre concentration et notre capacité d'apprentissage.

Daphné Bavelier explique que la recherche scientifique s'attelle à comprendre les mécanismes neurologiques complexes qui s'activent lorsqu'on joue derrière un écran. Ils peuvent être négatifs – l'excès de gaming est reconnu comme une addiction par l'OMS – ou positifs.

Un exemple parmi tant d'autres: les jeux de tirs peuvent entraîner notre capacité à apprendre. A ce sujet, Daphné Bavelier expose vendredi dans CQFD les résultats d'une publication récente de son groupe de recherche dans la revue Nature.

Les 69 sujets d'une expérience étaient divisés en deux groupes, dont l'un joue à des jeux de tirs, les autres étant placés dans un effectif de contrôle, qui joue à des jeux vidéos plus paisibles. "On évalue la capacité des jeux à augmenter la plasticité du cerveau et sa capacité à apprendre, notamment de nouvelles tâches", décrit la chercheuse. Pendant 45 heures étalées sur plusieurs semaines, les participants jouent à petite dose.

Apprentissage plus rapide

"Ce qu'on remarque, ce sont des impacts sur les facultés d'apprentissage", indique Daphné Bavelier. Les participants qui ont joué à des jeux de tirs apprendront plus vite de nouvelles actions. Par exemple, la capacité à voir des détails dans une scène visuelle. Cela peut donc avoir un intérêt pour la vie profesionnelle. "Si vous êtes horloger et qu'on vous demande de faire des tâches très précises, et que vous devez avoir une bonne vision de tous les petits détails de la montre, vous allez apprendre plus vite à voir tous ces petits détails", illustre la professeure.

>> Les détails dans CQFD :

Les jeux vidéo d’action aident à apprendre à apprendre.
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Les jeux vidéo apprennent à apprendre / CQFD / 7 min. / le 15 octobre 2021

Souplesse attentionnelle

Autre domaine où les jeux de tirs sont bénéfiques: la concentration, explique Daphné Bavelier dans le podcast Micro Sciences, "Il faut constamment avoir une distribution d'attention très agile", explique la scientifique. "C'est-à-dire qu'il faut à la fois prendre tout le champ visuel - s'assurer qu'il y ait des ennemis, des packages de santé à prendre à des endroits - et en même temps rassembler son attention sur un point focalisé pour pouvoir avoir une précision de tir qui est la bonne, pour pouvoir survivre."

"Donc, il y a constamment besoin de réévaluer comment allouer l'attention. Ces deux modes d'attention, qu'on appelle divisée et focalisée, ne sont pas dans les mêmes parties du cerveau", indique la chercheuse. "Il faut qu'elles travaillent ensemble. Cela demande une certaine flexibilité cognitive, c'est-à-dire déployer rapidement son attention au bon niveau et au bon moment, de manière à être le plus performant possible."

En chirurgie aussi

Les enfants et adolescents peuvent tirer des bénéfices du gaming pour leur agilité attentionnelle. "On s'est aperçu que, quand ils ont été testés sur cette tâche, de jeunes joueurs étaient très, très bons", observe Daphné Bavelier.

Mais des personnes plus âgées sont aussi concernées. En effet, passer un peu de temps à jouer aide les personnes qui étudient la chirurgie à apprendre plus rapidement les protocoles d'opérations, sans cependant faire plus d'erreur.

>> Les effets des jeux sur la concentration des chirurgiens (mais pas que) dans Micro Sciences :

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Pourquoi je joue à des jeux sur mon téléphone ? / Micro sciences / 23 min. / le 4 octobre 2021

Propos recueillis par Stéphane Délétroz et Huma Kamis

Traitement web: Antoine Michel

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