Intelligence artificielle et agriculture, l'humain ne sera pas remplacé de sitôt
Avec l'intelligence artificielle, le champ des possibles est devenu très large et l'agriculture n'a pas échappé aux nouvelles technologies. Des drones ou des robots équipés de caméras peuvent par exemple reconnaître les mauvaises herbes de manière ciblée. Aux Pays-Bas, c'est un robot laitier qui permet aux éleveurs de surveiller l'état de leur troupeau.
"Sur la vache, il y a un senseur, un collier qui mesure la façon dont elle bouge mais qui permet aussi de la reconnaître (...) la machine va apprendre à se souvenir si la vache était petite, grande mais aussi combien de lait elle va donner (...) le robot permettra aussi de prendre la température de l'animal (...) au final, c'est un ensemble de variables, production de lait, alimentation, etc, qui vont permettre à l'intelligence artificielle de déceler si l'animal est malade, car sa performance diminue si tel est le cas. La détection se fera plus tôt qu'avec un oeil humain", explique Catherine Pfeifer, chercheuse au FIBL, l'Institut de recherche sur l'agriculture biologique, basé en Argovie, vendredi dans Tout un monde.
Le robot envoie ensuite un sms au fermier pour le prévenir de la possible maladie. Et en fonction de la réponse que l'exploitant va donner à la machine, celle-ci apprend et affine sa perception.
Des technologies utiles pour les grandes exploitations
Le coût de la technologie n'est toutefois pas anodin. Le robot devient le plus souvent rentable lorsqu'il est utilisé dans de grandes exploitations et non pas de petits élevages ou dans l'agriculture bio.
Néanmoins, certaines innovations ont tendance à se démocratiser, comme l'imagerie satellite. Exemple avec Picterra, une petite entreprise basée sur le campus de l'EPFL.
"L'idée était vraiment de donner des outils aux utilisateurs pour qu'ils puissent utiliser cette intelligence artificielle et l'imagerie géospatiale, des images prises par satellites, par drone ou encore par avion, pour extraire de l'information qui sera utile, soit pour prévenir des dégâts, soit pour suivre l'évolution de plants (...) on a donc des gens qui utilisent notre outil pour trouver toutes les plantes invasives dans leur culture et donc ils font ça en volant par drone, puis en localisant ces éléments et en pouvant agir très précisément au sol, soit avec une machine, soit à pied, pour les arracher", détaille Franck de Morsier, cofondateur de la société.
Là encore, cette technologie a surtout de l'intérêt dans les très grands domaines. Dans de plus petites zones, on peut en effet repérer ce type de plantes à l'oeil nu.
"La nature, ce n'est pas carré"
Mais si les progrès sont concrets et utiles pour de nombreux agriculteurs, il ne semble pas possible d'imaginer à moyen terme un monde où l'on pourrait se passer de l'humain pour produire un bon vin ou cultiver n'importe quel légume.
C'est en tout cas l'avis de Jérémie Wainstain, directeur de Green data, une société qui crée des outils d'aide à la décision pour les exploitants, basé sur des algorithmes.
"Qu'est-ce qui est proprement humain dans l'agriculture et que les machines peuvent faire mieux? Pas grand-chose. Parce que ce sont des métiers artisanaux, très orientés autour de l'humain (...) comme vous êtes dans des environnements ouverts, vous avez beaucoup de paramètres, comme le climat, les sols, la nature, la végétation, les animaux, les maladies (...) c'est vivant et c'est la particularité de l'agriculture. Les machines sont très fortes quand les choses sont mortes, comme le jeu d'échecs, où il y a des règles et où c'est carré. La nature, elle, n'est pas carrée, elle est difficile à mettre dans des cases. L'intuition et l'expérience humaines sont donc très importantes dans ces environnements", juge-t-il.
Et de conclure: "Bien sûr, il y a des choses très compliquées à faire en agriculture sur lesquels des algorithmes ou des modèles mathématiques peuvent aider (...) je ne suis pas que pour le bon sens paysan. Je dis juste que le fantasme d'une intelligence artificielle remplaçant l'humain, on en est très loin dans l'agriculture alors que dans l'automobile, c'est déjà le cas."
Blandine Levite/ther