Tout commence en avril dernier par une simple mise à jour de l'IPhone. La 14.5 introduit une nouvelle fonctionnalité. Elle permet à l'utilisateur de refuser d'être suivi à la trace par une application tiers (App Tracking Transparency ou ATT).
Premiers touchés, les réseaux sociaux dont le modèle économique repose sur la publicité et les données récoltés sur les utilisateurs. Facebook donne un exemple: vous utilisez une application de livraison de repas. Celle-ci partage vos activités avec l'application de Facebook en passant par votre smartphone. Les publicités que vous voyez sont personnalisées en tenant compte de cette activité.
Les effets se font rapidement sentir pour les réseaux sociaux. Depuis juillet, le manque à gagner pour Facebook, Snapchat, Youtube et Twitter s'élève à plus de 9 milliards de francs selon une enquête du Financial Times.
Premier touché, Snapchat. L'application de messagerie photo a vu son cours chuter de 25%, le 21 octobre. En cause, des résultats moins bons que prévu. Le réseau qui annonce désormais 500 millions d'utilisateurs mensuels a dû "faire face à des vents contraires importants, y compris des modifications de la plate-forme iOS qui ont un impact sur la façon dont la publicité est ciblée", déclare le PDG de Snap, Evan Spiegel, dans un communiqué.
L'entreprise est même poursuivie aux Etats-Unis par un actionnaire qui estime que Snapchat lui a caché la réelle portée de la nouvelle fonctionnalité d'Apple et que les dirigeants ont surestimé leur capacité à s'adapter.
Apple gagnant
Il faut tout de même relativiser. Le marché de la publicité numérique est toujours en plein essor. Et tous ne sont pas perdants. Cette nouvelle politique de confidentialité d'Apple a notamment profité à son concurrent Google. Une partie des annonces ont migré vers le moteur de recherche et son système d'exploitation pour mobile Android.
Mais c'est Apple, lui-même, qui récolte les fruits de sa fonctionnalité. Ses revenus publicitaires, issues notamment des espaces sponsorisés dans l'App Store, ont fortement augmenté. Ils devraient atteindre 5 milliards de dollars cette année, selon les chercheurs d'Evercore ISI, cités par le Financial Times.
"Les entreprises seront forcées de mettre en place des abonnements et d’autres types de paiement intégrés aux applications pour obtenir des revenus", avait prédit dans un billet en décembre 2020 Dan Levy, vice-président de Facebook, en charge de la publicité et des produits commerciaux.
L'abonnement comme solution
Moins d'un an après, les réseaux sociaux testent de nouvelles formes de revenus. En tête, le nouveau graal de la monétisation sur Internet: l'abonnement. Films, jeux vidéo, musique. L'industrie du divertissement y est déjà passée.
Twitter vient de lancer aux Etats-Unis, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Australie son abonnement "premium", baptisé Twitter Blue. Pour 2,99 dollars par mois vous avez droit à de nouvelles fonctionnalités. En vrac. Un outil pour prévisualiser les tweets, la possibilité d'annuler un envoi dans les 30 secondes, des icônes personnalisables ou encore un mode lecture optimisé.
Il est également désormais possible sur Twitter de faire un don d'argent au compte de votre choix. C'est le deuxième axe de travail. Le soutien aux créateurs de contenus. Les réseaux cherchent à mieux rémunérer leurs influenceurs, pour éviter qu'ils partent.
Cacher la publicité
Facebook a désormais ses abonnements de "fans". L'utilisateur paie tous les mois pour avoir un contenu exclusif, des interactions ou des badges sur une Page. Un système de rémunération qui a fait le succès de la plate-forme Twitch (Amazon). Instagram devrait suivre d'ici la fin de l'année.
Synthèse de cette nouvelle économie des réseaux: les Groupes sur Facebook. Il est désormais possible de faire des collectes d'argent pour soutenir les modérateurs ou les administrateurs. Ceux-ci peuvent créer une boutique pour vendre des objets à la communauté. Des sous-groupes payants peuvent également être créés.
Dernier abonnement en vogue, celui qui vous permet d'éviter de voir de la publicité.
Pascal Wassmer
Facebook, en pleine crise de réputation, construit l'avenir
Révélation après révélation, les petits secrets de Facebook sont étalés au grand jour, ce qui n'empêche en rien le géant des réseaux sociaux de continuer à engranger des profits et à satisfaire les investisseurs.
Le numéro deux mondial de la publicité "fait face à son pire déluge de presse négative, et cela va continuer", a noté Debra Aho Williamson, une analyste du cabinet eMarketer. Mais pour l'instant, ses revenus "ont l'air aussi bons qu'attendu".
De juillet à septembre, Facebook a réalisé un chiffre d'affaires de 29 milliards de dollars (+35% sur un an).
Les deux réseaux (avec Instagram) et messageries (WhatsApp et Messenger) sont désormais fréquentés par 2,8 milliards de personnes tous les jours (11% de plus qu'il y a un an) et par 3,58 milliards d'utilisateurs au moins une fois par mois (+12%).
Seule ombre au tableau des investisseurs: la dernière mise à jour du système d'exploitation de l'iPhone, qui donne plus de contrôle aux utilisateurs sur leurs données confidentielles et complique la tâche des réseaux sociaux en matière de mesures d'efficacité.
"Nous pensons que nous serons capables d'aller de l'avant malgré ces vents contraires", a indiqué Mark Zuckerberg, "grâce aux investissements que nous faisons aujourd'hui" dans de nouvelles techniques de mesure et de nouveaux formats.
A court terme, le directeur financier David Wehner a tout de même reconnu que le groupe était dans une période d'"incertitude significative", qui pèse sur ses perspectives. Il table sur un chiffre d'affaires compris entre 31,5 et 34 milliards de dollars pour le trimestre en cours.
AFP