Bien qu'aucun gros astéroïde connu ne soit actuellement sur une trajectoire de collision, il s'agit de se préparer à cette éventualité (lire encadrés). "Nous ne voulons pas nous retrouver dans une position où un astéroïde se dirigerait vers la Terre et où nous devrions tester cette technique" pour la première fois, a expliqué Lindley Johnson, du département de défense planétaire de la NASA.
La mission, baptisée DART (fléchette en anglais et acronyme de "Double Asteroid Redirection Test"), a décollé dans la nuit de mardi à mercredi depuis la base californienne de Vandenberg à bord d'une fusée Falcon 9 de SpaceX.
Dix mois plus tard, le vaisseau – plus petit qu'une voiture, flanqué de deux longs panneaux solaires – frappera sa cible, alors située à onze millions de kilomètres de la Terre.
La cible est double: d'abord un gros astéroïde, Didymos, qui mesure 780 mètres de diamètre, et, en orbite autour de lui, une lune, Dimorphos, de 160 mètres de diamètre, soit la taille d'un terrain de football. C'est sur cette lune que le vaisseau, environ cent fois plus petit qu'elle, viendra finir sa course, projeté à une vitesse de 24'000 km/h.
"Lui donner un petit coup"
L'impact projettera des tonnes et des tonnes de matière. Mais "cela ne va pas détruire l'astéroïde. Cela va juste lui donner un petit coup", a détaillé Nancy Chabot, du laboratoire de physique appliquée de l'université Johns-Hopkins, qui conduit la mission en partenariat avec la NASA.
Ainsi, l'orbite du petit astéroïde autour du gros sera réduite de seulement "environ 1%", a-t-elle expliqué. De cette façon, "si un jour un astéroïde est découvert sur une trajectoire de collision avec la Terre [...] nous aurons une idée de la force dont nous aurons besoin pour que cet astéroïde manque la Terre", a précisé Andy Cheng, de l'université Johns-Hopkins.
Pour faire le tour du gros astéroïde, Dimorphos met actuellement 11 heures et 55 minutes. Les scientifiques s'attendent à réduire son orbite, d'environ dix minutes: "C'est un très petit changement mais cela pourrait être tout ce dont nous avons besoin pour dévier un astéroïde ayant une trajectoire de collision avec la Terre, si nous avions un jour à le faire, à condition que nous découvrions cet astéroïde assez tôt", a expliqué Tom Statler, scientifique de la NASA participant à cette mission.
Impact sur la trajectoire mesuré
L'effet exact qu'aura l'impact n'est pas connu pour le moment car il dépend notamment de la composition de l'astéroïde.
C'est ce changement de trajectoire précis, qui sera ensuite mesuré à l'aide de télescopes depuis la Terre, que les scientifiques veulent déterminer. Les résultats serviront aux calculs pour aider à déterminer, à l'avenir, quelle masse doit être projetée contre un type d'astéroïde donné pour provoquer une déviation suffisante.
Un petit satellite fera également le voyage. Il sera lâché par le vaisseau principal dix jours avant l'impact et utilisera son système de propulsion pour dévier légèrement sa propre trajectoire. Trois minutes après la collision, il survolera Dimorphos, afin d'observer l'effet du choc et, possiblement, le cratère à la surface.
sjaq et les agences
27'500 astéroïdes autour de nous
La NASA répertorie un peu plus de 27'500 astéroïdes de toutes tailles proches de la Planète bleue à l'heure actuelle. "Aucun d'entre eux ne représente une menace dans la centaine d'années à venir", a rassuré Thomas Zurbuchen, directeur pour les missions scientifiques à l'agence spatiale américaine.
Toutefois expertes et experts estiment n'avoir connaissance que de 40% des astéroïdes mesurant 140 mètres et plus, la majorité restant encore à découvrir.
L'astéroïde Bennu, qui mesure 500 mètres de diamètre, est l'un des deux astéroïdes identifiés de notre système solaire posant le plus de risques pour la Terre, selon la NASA. Mais d'ici à 2300, le risque d'une collision n'est que de 0,057%.
>> Lire : Bennu, l'astéroïde qui a 0,057% de risques de percuter la Terre
Une bombe nucléaire?
D'autres techniques sont envisagées pour dévier un astéroïde. Par exemple en procédant à une explosion nucléaire près de l'un d'eux, non pour le détruire mais pour en dévier par ricochet la trajectoire.
La force gravitationnelle d'un vaisseau, volant proche d'un astéroïde durant une longue période, pourrait aussi être utilisée.
Mais la technique testée ici, dite à impact cinétique, est de loin la plus mature. A condition qu'elle fasse ses preuves lors de cet essai.