Souvent évoqué comme un coupable idéal, le gras tant décrié pourrait être réhabilité. Et pour cause. En analysant les mécanismes cellulaires à l’œuvre, des scientifiques de l'université de Genève (UNIGE) ont découvert comment un cycle de stockage et déstockage du gras permettait aux cellules de s’adapter à l’excès de sucre.
Ces résultats, à lire dans la revue Diabetologia, mettent en évidence un mécanisme biologique inattendu qui pourrait servir de levier pour retarder l’apparition du diabète de type 2.
Le rôle ambigu du gras
Dans les années 70, le gras a été pointé du doigt et le concept de lipotoxicité est apparu: une exposition au gras des cellules bêta serait la source de leur détérioration. Plus récemment, l’excès de sucre a été lui aussi accusé d’endommager les cellules bêta et de favoriser le développement du diabète de type 2.
Cependant, si à l’heure actuelle la culpabilité du sucre ne fait plus aucun doute, le rôle du gras dans le dysfonctionnement des cellules bêta reste ambigu. Quels sont les mécanismes cellulaires en jeu?
"Pour répondre à cette question clé, nous avons étudié les adaptations de cellules bêta humaines et murines à des excès de sucre et/ou de gras", explique Pierre Maechler, professeur au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.
Restaurer une sécrétion d’insuline
Afin de différencier l’effet du gras de celui du sucre, les scientifiques ont exposé des cellules bêta à un excès de sucre, à un excès de gras, puis à une combinaison des deux. La toxicité du sucre a d’abord été confirmée: les cellules bêta exposées à un haut taux de sucre sécrétaient beaucoup moins d’insuline que la normale.
"Lorsque les cellules sont exposées à la fois à un surplus de sucre et à un surplus de gras, elles stockent le gras en prévision de périodes moins fastes sous forme de gouttelettes", explique Lucie Oberhauser, chercheuse à la Faculté de médecine de l’UNIGE et première auteure de ces travaux. "Or, de manière très surprenante, nous avons en évidence que ce stock de gras, au lieu d’aggraver la situation, permettait au contraire de restaurer une sécrétion d’insuline proche de la normale.
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Source d'énergie
En analysant plus précisément les modifications cellulaires à l’œuvre, l’équipe de recherche s’est aperçue que les gouttelettes de gras ne constituaient pas des réserves statiques. Elles étaient le lieu d’un cycle dynamique de stockage et de déstockage.
La libération de gras ne pose pas vraiment problème tant que l’organisme les utilise comme source d’énergie
C’est grâce aux molécules de gras libérées que les cellules bêta s’adaptent à l’excès de sucre et maintiennent une sécrétion d’insuline proche de la normale. "Cette libération de gras ne pose pas vraiment problème tant que l’organisme les utilise comme source d’énergie", ajoute Pierre Maechler.
ats/hkr
10% de la population mondiale touchée
Le diabète de type 2 consiste en un dysfonctionnement des cellules bêta du pancréas, chargées de sécréter l’insuline. Il touche près de 10% de la population mondiale. Cette altération perturbe la régulation du taux de sucre dans le sang et peut provoquer de graves complications cardiaques, oculaires et rénales