La guerre en Ukraine apporte un nouvel éclairage sur une technologie en plein essor. Des constellations de satellites propagent des connexions haut-débit vers la Terre. Sur des territoires ravagés par le conflit, il devient alors possible d'avoir un accès à internet, souvent essentiel pour communiquer.
Les bombardements détruisent les réseaux de communication fixes et mobiles. Le gouvernement ukrainien se tourne alors vers Elon Musk et son entreprise Starlink. Dans la foulée, le milliardaire américain envoie son matériel. L'objectif est de garder les villes connectées, mais surtout les services de secours.
En quelques heures, la photo du camion de livraison de Starlink a fait le tour du monde. Une belle promotion pour la marque qui avait déjà livré des kits en Allemagne l'année dernière lors des inondations.
Pour fonctionner, cette technologie a besoin d'électricité et d'une parabole que l'on connecte à un routeur wi-fi, par exemple. Cette parabole peut être prise pour cible par l'armée russe, dont les experts pourraient repérer l'émetteur et intercepter les communications non cryptées. Il s'agit donc de faire preuve de prudence.
Pour l'instant, seule une dizaine de pays, dont la Suisse, ont officiellement accès au système. Starlink dispose de plus de 2000 satellites, ainsi que des stations terrestres pour se relier au réseau internet.
Ce n'est qu'un début. Plus il y a de satellite, meilleure est la connexion. Pour sa couverture mondiale, Starlink prévoit 42'000 satellites. Et l'entreprise américaine n'est pas seule sur ce marché.
Des milliers de satellites prévus
Parmi les concurrents les plus importants, on trouve Kuiper, la filiale d'Amazon (3200 satellites prévus), et les Anglais de Oneweb (650 satellites). Le constructeur aéronautique Boeing vient, lui, de recevoir l'autorisation d'envoyer 150 satellites. Les projets privés se multiplient.
La Chine n'est pas en reste, puisque 13'000 mini-satellites vont être lancés ces prochaines années pour le projet Guowang. Les Russes misent eux sur Sfera, dont l'objectif premier est d'assurer l'accès à internet le long de la stratégique route maritime du Nord.
Dans un monde où l'accès à internet tend à se diviser en 4 grands secteurs avec leurs propres réglementations (Etats-Unis, Chine, Russie et Europe), la technologie des constellations revêt une dimension géopolitique.
L'Europe à la traîne
L'Union européenne vient de présenter son projet, en février. Le processus est lancé, mais le temps presse. "Nos concurrents avancent vite", estime Thierry Breton, commissaire responsable du marché intérieur, dans son discours de présentation du projet.
"Si l'Europe ne s'adapte pas, si elle n'accélère pas, elle risque le déclassement. C'est pourquoi, nous entrons aujourd'hui dans la course aux constellations à orbites basses".
L'objectif est double: offrir un service commercial, mais aussi un outil pour assurer le fonctionnement des gouvernements. Une sorte de plan B quand les installations au sol deviennent inutilisables. Coût estimé de l'opération: 6 milliards d'euros. La Suisse, elle, observe le projet, mais une participation n'est pas exclue.
Des risques
Vu les milliers de satellites prévus dans une orbite en dessous de 2000 km de la Terre, le risque d'embouteillage est prévisible. Des tensions pourraient alors naître entre pays pour placer leur technologie. C'est déjà le cas entre les entreprises privées Starlink et Kuiper, notamment pour des questions d'interférences.
Qui dit embouteillage, dit accident. Le risque de collision va grandissant. Avec pour conséquence une augmentation du nombre de débris dans l'espace. Sans parler, des astronomes qui peine désormais à observer les astéroïdes. Aujourd'hui, près de 20% des images des télescopes prises au crépuscule sont détériorées à cause des constellations de satellites.
Pascal Wassmer
Toujours plus de déchets
Un total de 12'720 satellites ont été mis en orbite terrestre depuis le début de la course à l'espace (état au 3 mars 2022). Environ 5200 sont encore en activité, et 36'500 débris de plus de 10 cm seraient actuellement en orbite, selon l'estimation du bureau des débris spatiaux de l'agence spatiale européenne (ESA). Et plus de 130 millions mesureraient moins de 10 cm.
L'entreprise suisse Clearspace a reçu un mandat de l'ESA à 100 millions d'euros pour aller chercher les restes de la fusée européenne Vega. Ce n'est que le début du grand nettoyage de ces débris qui tournent autour de la Terre à une vitesse de 28'000 km/h.