La Terre est un "joyau suspendu dans le noir de l'espace", raconte Charlie Duke
D'avoir vu la Terre de l'espace met encore des étoiles dans le regard de Charlie Duke. Beaucoup d'astronautes le disent: on ne voit plus la Terre de la même façon quand on l'a vue "de là-haut". C'est aussi le cas pour Charlie Duke: "Quand j'ai regardé et j'ai vu la Terre, là-dehors, à quelques 400'000 kilomètres de nous, ça m'a coupé le souffle!"
Il décrit un "joyau de beauté, suspendu dans le noir de l'espace". Ce qui l'a plus impressionné? "Le fait de ne pas voir de frontières, juste la planète", témoigne-t-il, jeudi dans Forum. L'astronaute Buzz Aldrin disait que c'était "une magnifique désolation".
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"Tu as le sentiment d'appartenir à cet endroit, de ne pas être un extraterrestre, tu reconnais les paysages. C'est comme revenir à Lausanne: l'impression d'être chez soi. C'était ce sentiment qui nous habitait", poursuit Charlie Duke.
Plus de 70 heures sur la Lune
Charlie Duke et John Young vont rester 71 heures sur la Lune et faire trois sorties extravéhiculaires avec un rover pour gratter et creuser la surface avec une pelle et un râteau. Ainsi, ils vont collecter près de 100 kilos d'échantillons de roches lunaires qui seront rapportées sur Terre.
Avant tout ça, Charlie Duke a aussi été pilote de réserve pour Apollo 13, connue pour l'explosion qui a provoqué son retour sur Terre. Une semaine avant la mission, il attrape la rubéole.
Ken Mattingly, qui faisait partie de l'équipage principal, est remplacé - la NASA craint qu'il tombe malade une fois dans l'espace. Les deux astronautes vont finalement se retrouver et s'envoler ensemble sur Apollo 16.
Propos recueillis par Alexandra Richard et Bastien Confino/vajo
Charlie Duke: "Je ne suis pas d'accord avec le gouvernement russe, mais l'amitié reste là-haut"
La guerre en Ukraine a aussi un impact sur le domaine spatial. Le patron de l'agence russe Roscosmos a fait cette menace: les sanctions occidentales contre la Russie pourraient provoquer la chute de la Station spatiale internationale.
Pour l'instant, la collaboration est maintenue. La NASA a encore dit cette semaine qu'un astronaute américain allait bien rentrer sur Terre - comme prévu - à bord d'un vaisseau russe, à la fin du mois. Mais il y a beaucoup de tensions et d'inquiétudes.
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Charlie Duke, lui, était astronaute à l'époque de la Guerre froide. Il fait des parallèles: "C'était la course à l'espace. Et pourtant, à ce moment-là, Richard Nixon et le Premier ministre russe passent un accord pour une mission Soyouz conjointe. Nous nous rejoindrons là-haut! C’était en 1975. Le début d'une très belle relation, surtout entre cosmonautes. Une grande amitié."
Avant d'ajouter: "Ça continue. Ils font voler nos astronautes. Nous avons construit ensemble la station spatiale, qui est là-haut avec des équipes internationales à son bord. Ça crée une véritable amitié. Je ne suis pas d'accord avec leur gouvernement, mais l'amitié reste."
"On était tous très jeunes", témoigne le directeur des missions Apollo Gerry Griffin
Gerry Griffin, directeur des missions Apollo, sera également présent ce week-end à Lausanne pour "Legends of space". "Je devais prendre les décisions finales, donner le 'go' ou 'no-go' pour chaque étape de la mission, se souvient-il, vendredi dans CQFD. C'était une sacrée responsabilité et on était tous très jeunes, j'étais l'un des plus vieux au centre de contrôle et je n'avais que 33 ans quand j'ai été nommé directeur de vol."
Gerry Griffin salue l'"esprit de camaraderie" qui régnait entre eux. "Au sol, nos familles ont grandi ensemble. Nos enfants allaient dans la même école. Nous étions donc vraiment très proches. Du coup, on s'investissait d’autant plus pour que les astronautes aient les meilleures chances d’alunir, mais aussi les meilleures chances de revenir sur Terre."
J'adorerais aller dans l'espace, encore aujourd'hui, s'ils m'autorisaient à le faire
Mais il y a aussi eu des doutes, notamment quand le réservoir d’oxygène d'Apollo 13 a explosé. "On était inquiets, mais on ne s’est jamais dit qu'on n'y arriverait pas. (...) L'équipe n’avait que très peu d'eau à boire. On était près de la limite. Mais finalement, ils allaient bien, juste déshydratés."
Gerry Griffin n'a jamais mis un pied sur la Lune, ce qui était "frustrant". "J'adorerais aller dans l'espace, encore aujourd'hui, s'ils m'autorisaient à le faire, explique-t-il. Mais ça ne s'est pas fait. En étant dans le contrôle de la mission, j'avais presque l'impression d'être dans l’espace, comme si j'étais dans le cockpit avec les astronautes."