Rivalisant avec les plus grosses étoiles connues, les scientifiques estiment que la masse de cette étoile équivaut au moins à cinquante fois celle de notre Soleil, et qu'elle est des millions de fois plus lumineuse que lui.
Icarus, l'étoile détenant le précédent record, avait elle aussi été observée par Hubble, en 2018. Mais cette dernière existait dans un Univers alors vieux de quatre milliards d'années, contre seulement environ 900 millions d'années après le Big Bang pour Earendel, selon l'équipe de recherche.
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Proche du Big-Bang
"Earendel est une étoile massive – une appellation obtenue dès qu'un astre dépasse la masse de dix fois notre Soleil – qui n'a rien d'exceptionnel: sa luminosité et son rayon sont compatibles avec les étoiles les plus massives connues", remarque Daniel Schaerer, professeur au Département d'Astronomie de l'Université de Genève.
"Des astronomes font l'hypothèse que, dans l'Univers précoce, les étoiles seraient plus massives que les récentes: des astres de 200 à 300 fois la masse solaire pourraient exister", note l'astrophysicien joint par téléphone par RTSinfo.
Et de s'enthousiasmer: "C'est assez hallucinant de voir un objet à 12,9 milliards d'années-lumière! C'est une curiosité. C'est hyper rare d'observer une étoile individuelle grâce à une lentille gravitationnelle. Un seul astre, aux confins de l'Univers!"
"La lentille gravitationnelle améliore le décalage vers le rouge [ndlr. Redshift en anglais, un phénomène astronomique qui permet de déterminer à quelle distance se trouve une étoile]. Cette étoile n'a pas plus d'un milliard d'années: elle ne peut pas être plus âgée que l'Univers... le Big Bang a eu lieu il y a 13,8 milliards d'années".
Selon Daniel Schaerer, ce type d'étoile ne vit que trois à quatre millions d'années: "Après elle a dû devenir une supernova, puis un petit trou noir".
L'étoile du matin
"Au départ, on n'y croyait presque pas", a raconté dans un communiqué l'auteur principal de ces travaux, Brian Welch, de l'Université Johns Hopkins à Baltimore, aux Etats-Unis.
C'est lui qui a eu le privilège de nommer ce gros soleil lointain: Earendel signifie "étoile du matin" en vieil anglais. Elle "existait il y a tellement longtemps qu'il se pourrait qu'elle n'ait pas été composée des mêmes matières premières que les étoiles autour de nous aujourd'hui", remarque le chercheur américain.
"Etudier Earendel livrera une fenêtre sur une période de l'Univers dont nous ne sommes pas familiers, mais qui a conduit à tout ce que nous connaissons aujourd'hui", a-t-il ajouté. La découverte a été publiée mercredi dans la revue scientifique Nature.
Du travail pour James Webb
Cette étoile sera ainsi une cible de choix pour le nouveau télescope spatial James Webb (JWST), actuellement en cours de calibrage dans l'espace. James Webb observera cette nouvelle étoile dès cette année, a précisé dans un communiqué l'Agence spatiale européenne (ESA), qui opère le télescope avec la NASA: "Le JWST va notamment pouvoir déterminer sa composition chimique", précise Daniel Schaerer.
Tout comme le bruit d'un objet qui s'éloigne s'assourdit, l'onde lumineuse s'étire peu à peu et passe de la fréquence visible à l'œil nu, à celle de l'infrarouge: c'est le redshift.
Contrairement à Hubble, qui n'a qu'une petite capacité infrarouge, James Webb opérera lui uniquement dans ces longueurs d'ondes, permettant de remonter plus loin encore et probablement de casser le record d'étoile la plus lointaine observée détenu pour l'heure par Earendel.
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Stéphanie Jaquet et l'ats
Rare alignement
Jusqu'ici, seuls des groupes d'étoiles avaient pu être observés à une telle distance, sans pouvoir distinguer un astre en particulier.
Mais Earendel a bénéficié d'une aide cosmique: un phénomène appelé lentille gravitationnelle. Un amas de galaxies, situé entre nous et l'étoile, agit comme une loupe amplifiant la lumière de l'objet. Dans ce cas, l'étoile est magnifiée par un facteur de plusieurs milliers par la lentille gravitationnelle formée par l'amas galactique WHL0137–08.
L'ESA compare cet effet aux ondulations à la surface de l'eau qui, par beau temps, peuvent créer des faisceaux lumineux amplifiés sur le sol d'une piscine.
Cet alignement, rare, devrait perdurer durant les années à venir, selon les astronomes.
"Comme l'étoile est dans une galaxie – cette structure rouge en forme d'arc – et qu'elle se déplace, elle ne sera pas toujours là par rapport à la lentille gravitationnelle", note Daniel Schaerer. "Une lentille gravitationnelle n'est pas comme une loupe normale. Cette loupe-ci amplifie d'un facteur de 1000 à 8000 fois à certains endroits.
Et la lentille n'est pas du tout uniforme: Par endroits, elle peut grossir énormément un objet, ailleurs seulement d'un facteur de deux, trois ou cinq", continue le chercheur de l'Observatoire de Genève. "Tant que l'étoile ne bouge pas, on pourra la voir. Après, ça ne sera peut-être plus possible, car une lentille gravitationnelle est très ponctuelle".