"Ce papyrus exceptionnel est un des plus anciens que nous avons", a relevé jeudi devant les médias le professeur Jacques Berchtold, directeur de la Fondation Bodmer.
Découvert dans les années 1830, il provient de Thèbes et date du XIe-Xe siècle avant J.-C. Intitulé Papyrus Bodmer 101 (PB101), ce document a été acquis aux enchères à Amsterdam par Martin Bodmer en 1937, en même temps que onze textes funéraires, dont huit "Livres des Morts" ou "Livre pour sortir au jour". Un texte très important car, pour l'Egypte ancienne, il était un guide pour aider la personne défunte à réussir son passage dans l'au-delà.
Collectionneur, Martin Bodmer avait constitué une bibliothèque de 150'000 titres, dont des pièces majeures de chaque époque de la pensée humaine. Elle est inscrite au Patrimoine mondial de l'UNESCO.
PB101 est constitué du début du chapitre consacré à la sortie au jour de l'âme, a expliqué le vice-directeur de la fondation et conservateur Nicolas Ducimetière. Le défunt, un prêtre d'Amon nommé Ankhefenkhonsou, est représenté à droite de l'image en habits de fête blancs en train de faire une offrande à Osiris. La divinité de la mort et de la résurrection va présider à son voyage.
"Plus lumineux"
Le document de 23 centimètres de large sur 117 centimètres de long était en très mauvais état. Notamment suite à des traitements reçus à la fin du XIXe- début du XXe siècle. Sa restauration a été rendue possible grâce au mécénat d'une entreprise spécialisée dans la climatisation.
"Constitué de deux bandes de papyrus superposées, il était très sec en raison de son âge et abîmé par les deux restaurations précédentes", a souligné Florence Darbre, qui a longtemps été responsable de l'atelier de restauration de la fondation, où elle a restauré l'Evangile de Judas.
Une première analyse en 2020 a notamment permis de constater que PB101 avait été collé sur une toile, ce qui l'avait dégradé. Il a été nettoyé à sec à l'aide d'un pinceau. Compte tenu de sa friabilité, Florence Darbre a dû coller du papier sur sa surface, avant de pouvoir le renverser et décoller cette toile. Une technique japonaise, moins nuisible, a été utilisée pour consolider l'arrière.
La colle posée à la surface a aussi été éliminée. "Le papyrus était très terne. Il est rajeuni, rafraîchi, plus lumineux", a salué Jacques Berchtold.
Initialement estimée à trois mois, la restauration a pris plus d'un an. Grâce à cette expérience, la Fondation Bodmer prévoit de restaurer un autre papyrus avec le soutien du même mécène.
sjaq et l'ats
Numérisation
A l'instar de nombreux autres documents de la fondation, PB101 sera numérisé et ultérieurement accessible au plus grand nombre, soit sur la plateforme e-codices, bibilothèque virtuelle des manuscrits en Suisse, soit sur celle du Bodmer Lab.
"Cette restauration permet à des scientifiques de le voir. Les égyptologues font encore des découvertes. Les moyens numériques permettent de croiser les sources", a indiqué Nicolas Ducimetière.
Le grand public pourra découvrir ce document rare à la Fondation Bodmer les 18 et 19 juin, lors des Journées européennes de l'archéologie 2022. Des présentations seront organisées, ainsi que des ateliers ludiques pour les enfants.