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Dix ans après sa découverte, à quoi sert le boson de Higgs?

Le 4 juillet 2012, le CERN annonçait la découverte du boson de Higgs. Cette découverte validait la théorie élaborée par le Britannique Peter Higgs. Pour expliquer la matière, il postulait en 1964 déjà l'existence d'une particule: un boson qui donne une masse aux gaz issus du Big Bang.

Cette particule donne leur masse à toutes les autres particules de notre Univers. Sans le boson de Higgs, les particules ne se rencontreraient jamais, elles ne pourraient pas créer des protons et neutrons, qui, combinés aux électrons, forment la matière.

Comment les physiciens et physiciennes sont arrivés à ce résultat et à quoi sert cette découverte? Le podcast Micro sciences tente de répondre à ces questions.

Depuis les années 60, la physique est fondée sur l'existence de cette particule sans pour autant pouvoir la prouver. Ce sont les chercheurs François Englert, Robert Brout et Peter Higgs, même si l'Histoire n'a retenu que le nom de ce dernier, qui ont évoqué cette particule pour la première fois.

Des particules qui s'agglutinent

Mais comment fait le boson de Higgs pour donner de la masse aux particules élémentaires de la matière?

"Si on se place dans une salle où il y a des gens uniformément répartis et qu'une célébrité se présente à l'entrée de cette salle, suivant si elle est très célèbre ou peu célèbre, un nombre de personnes différentes vont venir s'agglutiner auprès de cette célébrité. Quand cette célébrité va essayer de se déplacer, elle va être ralentie, elle aura acquis une masse. Les personnes uniformément réparties représentent ce qu'on appelle le champ de Higgs et n'importe quel quark (particule fondamentale) qui pénètre dans ce champ va acquérir une masse", image la physicienne Stéphanie Beauceron.

Mais le boson de Higgs ne se laisse pas examiner facilement: il n'apparaît qu'une fraction de seconde lors de collisions à très grande vitesse entre des milliards de particules.

Grâce au LHC, le grand collisionneur à hadrons du CERN, de 27 kilomètres de circonférence, physiciennes et physiciens ont pu recréer les conditions physiques nécessaires. "Mais il nous a fallu 60 ans" pour obtenir un collisionneur assez puissant et performant.

Des briques à associer

Pour imager le phénomène, Stéphanie Beauceron parle de "deux poignées de sable distantes d'une dizaine de mètres qu'on balance l'une contre l'autre en espérant que deux grains de sable se rencontrent face à face."

Les scientifiques ne peuvent pas véritablement voir le boson de Higgs, ils observent "le résidu de sa désintégration parce que toutes les particules produites sont instables et ont un temps de vie très court". La détection de ces particules est une preuve indirecte de sa présence.

Deux poignées de sable distantes d'une dizaine de mètres qu'on balance l'une contre l'autre en espérant que deux grains de sable se rencontrent face à face

Stéphanie Beauceron

La physicienne évoque une autre analogie: "Au moment de la collision, des détecteurs décèlent des sortes de briques comme un certain jeu de construction. Ils indiquent le nombre de briques, leur couleur, leur forme. Tout un lot de briques est à disposition qui permettent de construire un avion, mais aussi un hélicoptère et un hydroplaneur. Notre problème est de savoir comment on va associer les briques entre elles".

Avec toutes les briques et suffisamment d'essais, le boson de Higgs a pu être reconstruit. Mais il a fallu le reconstruire plusieurs fois pour être sûr que ce n'est pas de la chance.

"Quand on valide une découverte, c'est qu'on a suffisamment de statistiques pour dire que ce n'est pas juste une fluctuation. En physique des particules, on parle en terme de probabilité, on ne dira jamais qu'on l'a vu à 100%, on est à 99,9995%".

Un univers métastable qui peut disparaître

Après des années de recherche et des millions de collisions, les scientifiques ont mesuré la masse du boson de Higgs à 125 gigaélectronvolts (GeV).

"Cette masse est très importante mais elle nous pose souci. Avec 125 GeV, les théoriciens parlent d'un univers métastable, cela pourrait sous-entendre que notre Univers peut disparaître en un claquement de doigt, à n'importe quel moment. C'est pour ça qu'on aurait préféré être dans un univers stable, mais à quelque 5 ou 10 GeV, le boson de Higgs a décidé d'être dans un univers métastable".

Un univers métastable, cela pourrait sous-entendre que notre univers peut disparaître en un claquement de doigt, à n'importe quel moment

Stéphanie Beauceron

Nombreuses autres questions

En trouvant le boson de Higgs, tout n'a toutefois pas été résolu. Les physiciens et les physiciennes, spécialistes des particules fondamentales, doivent encore répondre à de nombreuses questions, comme pourquoi les pommes tombent des arbres, pourquoi nous sommes collés à la Terre. Il existe peut-être un boson qui s'occupe de la gravité, mais les scientifiques le cherchent encore.

Mais en fait à quoi sert le boson de Higgs: "Je ne vais pas vous dire ce que le boson de Higgs peut nous apporter dans 100 ou 200 ans parce que je n'en sais rien; mais peut-être que nos petits-enfants arriveront à en faire quelque chose. Le chercheur en sciences fondamentales n'est pas là pour faire des applications immédiates, il est là pour agrandir les connaissances de l'Humanité. Ce qui ne veut pas dire que cela ne sert à rien", conclut la physicienne.

Sujet radio: Huma Khamis

Version web: France-Anne Landry

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