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En Norvège, les images retouchées sur les réseaux sociaux devront être signalées

La Norvège vote une loi imposant aux influenceurs de déclarer les retouches apportées à leurs photos
La Norvège vote une loi imposant aux influenceurs de déclarer les retouches apportées à leurs photos / La Matinale / 5 min. / le 11 juillet 2022
La Norvège vient de voter une loi qui oblige les influenceurs, influenceuses et publicitaires à signaler toute utilisation de photo retouchée. Le gouvernement souhaite ainsi réduire la pression exercée sur les plus jeunes par des standards irréalistes de beauté.

La loi s’appliquera à plusieurs réseaux sociaux comme Instagram, Facebook, Snapchat, TikTok et Twitter. Toute publicité dans laquelle la forme, la taille ou la peau d’une personne a été modifiée devra comporter un petit badge, y compris en cas d’utilisation d’un filtre au moment de la prise de vue.

Les contrevenants s’exposeront à des amendes, voire des peines de prison. L'entrée en vigueur de cette nouvelle législation est prévue pour cet été.

Une question de dosage

Pour l'influenceuse suisse Céline Perret, suivie par près de 22'000 abonnés sur son compte Instagram, utiliser des filtres fait partie de son métier. "L'esthétique est très importante. C'est le travail d'un photographe et c'est ce que je fais. Je vais éditer mes photos pour apporter une esthétique qui est cohérente au niveau de mes images et avec ma ligne éditoriale", explique la jeune influenceuse.

Pour elle, la retouche des images fait sens mais tout est une question de dosage. "J'aime apporter une touche vintage à mes images et je pense que ce genre de retouches n'a aucun impact sur des jeunes en construction", souligne-t-elle.

Cependant, il a été démontré que les images retouchées ont un impact sur la santé mentale des jeunes. Les révélations de la lanceuse d'alerte américaine Frances Haugen avaient par exemple montré que l'entreprise Facebook savait qu'Instagram était toxique pour les jeunes.

Dans une de leurs études internes, une adolescente explique que si sa génération est si anxieuse et déprimée, c'est notamment à cause de cette impression venue des réseaux sociaux de "devoir être parfait".

>> Lire à ce sujet : Facebook a minimisé les effets néfastes de ses plateformes, révèle le Wall Street Journal

Standardiser les visages

Pour le psychologue et psychanalyste français Michael Stora, les images retouchées sur les réseaux sociaux créent ce qu'il appelle "une dysmorphophobie sociétale".

"C'est-à-dire qu'à force d'être confronté à des images très idéalisées, surtout à l'adolescence où le corps est en train de se transformer, les jeunes vont se focaliser sur une partie de leur corps ou visage comme étant à l'origine de toutes les souffrances", précise le psychologue.

Pour lui, les réseaux sociaux participent à la standardisation des visages et la nouvelle loi norvégienne pourrait avoir un impact positif. "Le fait qu'on oblige ces influenceuses et influenceurs à pouvoir dire qu'ils sont faux et que c'est une mise en scène pourrait peut-être faire baisser la pression de ce monde incroyablement idéalisé", ajoute-t-il.

Une application difficile mais un message important

Cependant, la loi va être difficile à mettre en oeuvre, comme l'ont déjà indiqué les autorités norvégiennes. Céline Perret estime qu'il sera difficile de repérer ces contenus retouchés et modifiés.

"Quand une retouche est bien faite, ça ne se voit pas. Donc comment retrouver et amender les personnes qui abusent des retouches? Mais le message que fait passer cette loi est important et je suis assez partante que ça ne soit pas seulement limité à la Norvège", déclare-t-elle.

Le psychanalyste Michael Stora, lui, voit dans cette loi une valeur symbolique. "Je ne crois pas que dans la réalité, les adolescents et adolescentes vont quitter les réseaux sociaux en réalisant que cela est faux. Par contre, c'est une sorte de message de prévention qui vient de l'Etat et cela peut avoir un impact sur la construction de l'image de soi chez les jeunes", analyse-t-il.

Sujet radio: Miruna Coca-Cozma

Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva

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