Ce trou noir d'un nouveau type – prédit de longue date par la théorie mais très difficile à détecter tant il est bien caché – s'est dévoilé au terme de six années d'observation avec l'instrument FLAMES sur le Très Grand Télescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO) au Chili, selon une étude parue lundi dans Nature Astronomy.
"Nous avons déniché une aiguille dans une botte de foin cosmique" (lire premier encadré), s'est félicité Tomer Shenar, son auteur principal, dans un communiqué. Depuis trois ans, plusieurs candidats au titre de "trou noir dormant" s'étaient présentés, mais aucun n'avait jusqu'ici été accepté par cette équipe internationale d'astronomes, baptisée par l'ESO la "police des trous noirs". "Cela a d'énormes implications pour l'origine des fusions de trous noirs dans le cosmos", se réjouit encore le chercheur.
L'heureux gagnant, d'une douzaine de fois la masse du Soleil, est tapi dans le nuage de Magellan, une galaxie naine à proximité de la Voie lactée. Il est comme la deuxième jambe d'un système binaire de deux étoiles se tournant autour, dont l'une, morte, est devenue un trou noir et l'autre est encore en vie: il s'agit d'une étoile bleue extrêmement lumineuse et chaude.
Le système est composé d'une étoile chaude et bleue de vingt-cinq fois la masse du Soleil et d'un trou noir d'au moins neuf fois la masse du Soleil. Les tailles ne sont pas à l'échelle: en réalité, l'étoile bleue est environ 200'000 fois plus grosse que le trou noir:
Pour trouver VFTS 243, la collaboration a recherché près de 1000 étoiles massives dans la région de la Nébuleuse de la Tarentule du Grand Nuage de Magellan, à la recherche de celles qui pourraient avoir des trous noirs comme compagnons. Il est extrêmement difficile d'identifier ceux-ci comme des trous noirs, car il existe de nombreuses autres possibilités.
Une étoile effondrée
Les trous noirs de masse stellaire – incomparablement plus petits que leurs grands frères supermassifs – sont des étoiles massives, entre 5 et 50 fois la masse du Soleil, en fin de vie, qui s'effondrent sur elles-mêmes (lire second encadré).
Ces objets sont si denses et leur force de gravité si puissante que même la lumière ne peut s'en échapper: ils sont donc par définition invisibles. Les scientifiques peuvent néanmoins observer la matière qui circule autour, avant d'y être avalée.... sauf quand le trou noir "sommeille", à la diète.
Dans les systèmes binaires déjà observés, l'étoile devenue trou noir est suffisamment proche de son étoile compagne pour lui "voler" sa matière: on parle alors "d'accrétion", explique Hugues Sana de l'Université de Louvain (KU Leuven), en Belgique, l'une des personnes ayant rédigé l'étude.
Cette matière, une fois happée, émet des rayons X, que l'on peut détecter. Mais ici, le trou noir n'en émet aucun, et pour cause: "L'étoile vivante – d'environ 25 fois la masse du Soleil – est suffisamment éloignée pour ne pas être mangée. Elle reste pour l'instant en équilibre sur cette orbite", d'une durée de quatorze jours, poursuit l'astronome.
Un équilibre qui ne saurait durer, selon lui: "L'étoile vivante va grossir et, à ce moment, une partie de sa surface va être gobée par le trou noir", qui émettra alors des rayons X et donc sortira de son état dormant.
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Observer les mouvements de la danse
Mais comment savoir qu'un tel objet existe? "Imaginez un couple qui danse se tenant par la main, que vous observez dans le noir. L'un a un costume noir, l'autre un costume lumineux: vous ne voyez que la danse du second, pourtant vous savez qu'il a un partenaire de danse, grâce à l'étude du mouvement", explique Hugues Sana.
En astronomie, de la même façon que Jupiter et le Soleil tournent l'un autour de l'autre, on peut mesurer les masses respectives d'un système binaire grâce à l'observation de ces mouvements.
Pour être sûr que l'objet fantôme était bien un trou noir, l'équipe de recherche a procédé par élimination, écartant plusieurs scénarios comme celui d'une étoile perdant son enveloppe: "La seule explication raisonnable est qu'il s'agit d'un trou noir, parce qu'aucune autre étoile ne permet de reproduire ces données observationnelles", résume le chercheur.
Envol de notre galaxie natale, vers le Grand Nuage de Magellan (LMC), une galaxie satellite de la Voie lactée, à environ 160'000 années-lumière de la Terre [ndlr. une année-lumière est la distance que la lumière parcourt en une année, soit 9,5 trillions de kilomètres]. Il abrite l'une des nébuleuses les plus brillantes connues, la Nébuleuse de la Tarentule, découverte au milieu du XVIIIe siècle. Celle-ci héberge le système binaire VFTS 243, destination finale de cette vidéo:
Stéphanie Jaquet et les agences
De nombreux trous noirs en sommeil
Selon de récentes modélisations, environ 2% des étoiles massives de notre galaxie sont susceptibles d'avoir un trou noir autour, soit environ 100 millions, selon Hugues Sana: "Pour l'heure on en connaît seulement une dizaine, tous détectés grâce à leurs émissions de rayons X, donc il nous en manque!"
Les trous noirs dormants – que les spécialistes estiment être relativement communs – interagissent très peu avec leur environnement. De nombreux candidats proposés précédemment ont été déchus de ce statut par des études plus poussées, y compris par les membres de l'équipe qui a découvert celui-ci.
Il existe différentes catégories de trous noirs. Les plus petits, comme celui qui vient d'être détecté, sont appelés trous noirs de masse stellaire; ils sont formés par l'effondrement d'étoiles massives individuelles à la fin de leur cycle de vie. Il existe également des trous noirs de masse intermédiaire, ainsi que les énormes trous noirs supermassifs qui se trouvent au centre de la plupart des galaxies.
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Absence d'explosion
On suppose généralement que l'effondrement des étoiles massives en trous noirs est associé à une puissante explosion de supernova. Dans ce cas, une étoile d'une vingtaine de fois la masse de notre Soleil a soufflé une partie de sa matière dans l'espace dans son agonie, puis s'est effondrée sur elle-même sans explosion.
La forme de son orbite avec son compagnon offre des preuves de l'absence d'explosion.
"L'orbite du système est presque parfaitement circulaire", selon Tomer Shenar. "Si une supernova s'était produite, la force de l'explosion aurait pu pousser le trou noir nouvellement formé dans une direction aléatoire et aurait donné une orbite elliptique plutôt que circulaire", a-t-il ajouté.
Les trous noirs peuvent être d'une voracité impitoyable, dévorant toute matière – gaz, poussière et étoiles – errant dans le cadre de leur attraction gravitationnelle.
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