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La guêpe à papier peut former un concept abstrait comme la différence

Une guêpe poliste sur son nid, à Königsbach, en 2004. [Wikimedia CC 3.0 - Geolina163]
La guêpe à papier peut former un concept abstrait comme la différence / Le Journal horaire / 35 sec. / le 20 juillet 2022
La guêpe à papier vient d'entrer dans le cercle très fermé des animaux jugés capables de former un concept abstrait, comme celui de la ressemblance ou différence entre deux choses. Cet insecte était déjà connu pour sa capacité à distinguer sans faillir les visages de ses congénères.

La plupart des espèces savent distinguer une chose essentielle d'une autre, comme la bonne partie d'un mauvais fruit ou le cri d'un congénère de celui d'un prédateur. Très peu sont capables de former un concept abstrait comme celui de "pareil/pas pareil" et de l'appliquer à différentes situations.

Primates mis à part, un petit nombre d'espèces possède un tel don, notamment les corvidés, pigeons, perroquets, dauphins et canetons. Chez les invertébrés, il n'a été répertorié qu'avec l'abeille européenne. Il faut y ajouter désormais Polistes fuscatus, la guêpe à papier, selon l'étude publiée mercredi dans les Proceedings B de la Royal Society britannique.

Cet insecte social est réputé pour sa capacité à distinguer sans faillir les visages de ses congénères. Une équipe de neurobiologistes de l'Université américaine du Michigan a exploré sa capacité à faire mieux. Elle a d'abord "appris" aux guêpes à associer une paire d'images ou d'odeurs, semblables ou différentes, à un courant électrique inoffensif mais désagréable et la paire inverse à l'absence de choc.

Courant électrique

Chaque guêpe s'est retrouvée dans un cube dont les parois portaient par exemple une paire de couleurs identiques. Elle y restait deux minutes en y subissant un courant électrique transmis par le sol, puis après une pause d'une minute, elle était placée dans un autre cube, sans courant, où se trouvait une paire de couleurs différentes l'une de l'autre.

Les paires de stimuli, des couleurs, visages de guêpe ou odeurs, étaient changées entre chaque séance de façon à ce que l'animal n'associe pas une paire particulière au choc électrique. Après quatre séances d'apprentissage et une pause de trois quarts d'heure, la guêpe subissait un test censé vérifier si elle avait intégré la notion de "pareil/pas pareil".

Elle était placée dans une boîte où elle avait le choix entre se diriger vers une extrémité portant une paire de stimuli identiques ou vers celle en portant des différents, le bon choix consistant à se diriger vers la paire de stimuli associée dans son expérience à l'absence de choc électrique.

>> L'expérience (lire les détails en légende) : (a) Pendant la formation, les guêpes ont été placées dans des "chambres" en balsa de 3,8 x 3,8 cm avec des plafonds en plexiglas et des sols électrifiés ou neutres. Chaque guêpe est restée dans la chambre électrifiée pendant deux minutes, s'est reposée dans un récipient sombre pendant une minute, puis a été placée dans la chambre neutre pendant deux minutes. Ce cycle a été répété quatre fois avec des stimuli différents représentant des relations identiques ou différentes. (b) Pendant les tests, les guêpes étaient placées dans un rectangle en balsa (pour les stimuli visuels) ou en verre (pour les stimuli olfactifs) avec des paires du même stimulus à une extrémité et des paires de stimuli différents à l'autre extrémité. L'apprentissage a été testé en mesurant si la guêpe entrait dans la région de choix avec la paire de stimuli correcte ou incorrecte sur dix essais. L'emplacement des stimuli a été interverti d'un essai à l'autre pour s'assurer que les guêpes répondaient aux stimuli plutôt qu'à l'emplacement. [Proceedings of the Royal Society B – Biological Sciences - Chloe Weise, Christian Cely Ortiz, Elizabeth A. Tibbetts]
(a) Pendant la formation, les guêpes ont été placées dans des "chambres" en balsa de 3,8 x 3,8 cm avec des plafonds en plexiglas et des sols électrifiés ou neutres. Chaque guêpe est restée dans la chambre électrifiée pendant deux minutes, s'est reposée dans un récipient sombre pendant une minute, puis a été placée dans la chambre neutre pendant deux minutes. Ce cycle a été répété quatre fois avec des stimuli différents représentant des relations identiques ou différentes. (b) Pendant les tests, les guêpes étaient placées dans un rectangle en balsa (pour les stimuli visuels) ou en verre (pour les stimuli olfactifs) avec des paires du même stimulus à une extrémité et des paires de stimuli différents à l'autre extrémité. L'apprentissage a été testé en mesurant si la guêpe entrait dans la région de choix avec la paire de stimuli correcte ou incorrecte sur dix essais. L'emplacement des stimuli a été interverti d'un essai à l'autre pour s'assurer que les guêpes répondaient aux stimuli plutôt qu'à l'emplacement. [Proceedings of the Royal Society B – Biological Sciences - Chloe Weise, Christian Cely Ortiz, Elizabeth A. Tibbetts]

Moins d'un million de neurones

Dans un premier temps, le genre de stimulus – couleur, visage ou odeur – était identique à celui de la phase d'apprentissage mais pas le stimulus lui-même, la couleur changeait par exemple. Après dix essais et une nouvelle pause, l'expérience était renouvelée avec un genre de stimulus jamais rencontré par l'animal, comme l'odeur après les couleurs.

Dans les deux cas, la guêpe a passé le test avec plus de 80% de réussite, bien au-delà de la seule chance, un résultat complètement indépendant du genre de stimulus impliqué. C'est un exploit, en considérant que la cervelle de cette guêpe, comme celle de l'abeille européenne, compte moins d'un million de neurones, quand celle du pigeon dépasse les 300 millions et celle du macaque six milliards, remarque l'équipe de recherche.

ats/sjaq

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