En 2017, le New York Times publie des vidéos où l’on voit des pilotes de l’armée américaine en train de suivre des objets non identifiés. Trois ans plus tard, le Pentagone partage officiellement ces vidéos prouvant qu’elles sont vraies. C’est la fin d’un tabou.
Sur les images, d’étranges taches se déplacent rapidement avec des comportements inconnus. Ces séquences ont été tournées par les avions de la marine entre 2004 et 2015. Elles ont mené à une audition publique devant le Congrès le 17 mai dernier.
"Ce que vous voyez ici est un avion qui opère dans un champ d’entraînement de la marine américaine", explique Scott Bray, directeur adjoint du renseignement de l’US Navy. "L’avion a observé un objet sphérique dans cette zone. Pendant qu’ils le survolaient, ils ont pris une vidéo. Vous voyez que cet objet semble un peu réfléchissant… Et il passe rapidement devant le cockpit de l’avion. Je n’ai pas d’explication sur ce qu’est cet objet."
Les militaires montrent des images et avouent, devant les représentants du peuple, qu’ils ont mené des enquêtes et ne peuvent pas expliquer ces phénomènes. Et ils vont encore plus loin. Depuis le début des années 2000, les observations d’objets non identifiés sont en augmentation.
Ciel encombré
De plus en plus de choses volent dans le ciel. Des drones, des oiseaux, des fusées commerciales, mais aussi des tests de technologie militaire effectués par d’autres puissances, selon les Etats-Unis.
L’armée française vient de publier son document de référence sur l’innovation de défense. Dans les airs, un développement majeur est la capacité de manoeuvrer des objets atteignant Mach 5 (au-delà de 6000 km/h). "De nouvelles armes hypervéloces apparaissent sur le champ de bataille ou font l’objet d’efforts de développement importants: planeurs hypersoniques manœuvrants et missiles propulsés hypersoniques". De quoi semer un peu plus le doute.
Mais le sujet devient aussi plus sérieux, plus scientifique. Les programmes pour découvrir de nouvelles planètes, et peut-être une vie extraterrestre, s’enchaînent.
"De fil en aiguille, quand la science se pose des questions autour d’une vie intelligente, on va pouvoir se poser la question, plus franchement, d’une vie qui vient nous visiter", estime Michael Vaillant, Data Scientist qui travaille comme indépendant au GEIPAN, le Groupe français d’études et d’informations sur des phénomènes aérospatiaux non identifiés.
"Jusqu’à présent, cela paraissait incroyable. La question devient plus pertinente et moins bête qu’il y a quelques années. Est-ce que cela facilite le travail des militaires américains? Ils pourraient se dire qu’un état d’esprit est en train de changer".
Enquêtes officielles
Le GEIPAN est un organe officiel du centre français d’études spatiales. Il travaille de manière scientifique sur les observations de citoyens. Et dans la transparence. Sur près de 3000 enquêtes menées, seule une centaine de phénomènes ne sont toujours pas expliqués.
La NASA va, elle, lancer une grande enquête dès l’automne. Elle devra rassembler les données existantes, déterminer les données qu’il manque pour développer des outils permettant à l’avenir une meilleure analyse des phénomènes aérospatiaux. Un rapport public est attendu pour l’année prochaine.
Rien d'officiel en Suisse
Côté suisse, officiellement il n’y a pas d’enquête sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN). Rien à l’Office fédéral de l’aviation civile. Rien aux affaires spatiales du SEFRI, le secrétariat d’Etat à la formation, la recherche et l’innovation. Au Tessin, il existe un centre ufologique, mais rien d’officiel.
Et l’armée? Les services de renseignement ? En 1988, dans un reportage de la TSR la réponse est claire. "Tout objet non identifié intéresse a priori les militaires, car il peut représenter un danger", explique le porte-parole de l’armée de l’époque.
"L’armée entretient des contacts très étroits avec des gens qui lui signalent des observations qui peuvent, à la rigueur, toucher à des OVNI. Ces observations sont répertoriées, enregistrées, classées par le service de renseignement des troupes d’aviation et de DCA", détaille le porte-parole.
Trente-quatre ans plus tard, le discours s’est inversé. "Il n’y a actuellement, à notre connaissance, aucune instance dans l’armée qui s’occupe du sujet OVNI / objets volants de toute sorte", explique un porte-parole. Pas d’enquête, pas d’expertise sur la question, pas de recueil de témoignages.
Et si un objet vole au-dessus d’une grande agglomération? S’il y a un écho radar, les autorités civiles en charge de la surveillance de l’espace aérien peuvent demander à des avions de l’armée de se rendre sur place pour vérifier de quoi il s’agit. Et si, comme les Américains, ils tombent sur un phénomène que les pilotes ne comprennent pas? Aucune enquête n’est officiellement prévue.
Pascal Wassmer