Une interview de Thomas Pesquet au journal télévisé de France 2 le 28 août, dans le cadre du lancement attendu de la capsule Orion, a enflammé sur les réseaux sociaux la communauté des personnes croyant que l'être humain n'a jamais mis le pied sur la Lune.
Un montage vidéo de la séquence originale insiste sur certains passages pour étayer la thèse de la mise en scène.
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Un montage
Ce montage, d'environ 1 minute 30 et posté le 30 août sur Twitter, reprend plusieurs extraits de l'entretien qui a duré plus de 5 minutes. On entend l’astronaute dire: "Quand je regarde la Lune le soir, ça me fait quand même un petit frisson. Parce que ce n’est pas la même chose de se dire 'ah mais attends, est-ce que c’est humainement possible d’aller là-bas?'".
Puis quelques secondes plus tard: "On va vraiment aller très loin, très loin, très loin, aussi loin qu’aucun être humain ne s’est jamais éloigné de la Terre." Une dernière citation répétée et ralentie par le monteur qui appelle à "écouter jusqu'à la fin". Une façon de sous-entendre que Thomas Pesquet avouerait que personne n'a mis le pied sur la Lune.
Mais si on écoute l'interview sur France 2, Thomas Pesquet commence par dire qu'"Artemis III, dans trois ans, peut-être quatre ans, ce sera le grand retour de l’homme, et de la femme, sur la Lune".
Le premier pas sur notre satellite remonte à 1969 et douze hommes au total ont pu fouler le sol lunaire. La dernière visite remonte à 1972.
Et par la suite, celui qui a fait deux séjours à bord de l'ISS (la Station spatiale internationale) précise que la Lune, "c’est 1000 fois plus loin que la Station spatiale, qui est à 400 kilomètres au-dessus de nos têtes. C’est vraiment encore une autre dimension dans le voyage spatial." Et c'est à la question de savoir si ce périple l’effraie qu'il fait part de son ressenti sur la capacité humaine à réaliser à nouveau ce voyage.
Enfin, le spationaute a raison de dire que le programme Artémis 3 prévoit d'aller encore plus loin qu'auparavant. Comme le précise le site de la Nasa, une fois en orbite, Orion fera une fois et demie le tour de la Lune (distante de 380'000 kilomètres), en s'aventurant jusqu'à 64'000 kilomètres derrière elle, soit plus loin que tout autre vaisseau spatial habitable jusqu'ici. Les missions Apollo ne s'étaient pas éloignées au-delà de 483 kilomètres.
"Bien sûr que oui, l’humain est allé sur la Lune"
Mais face à la viralité de la vidéo tirée de son intervention sur France 2 (plus de 800'000 vues et d'abondants commentaires), Thomas Pesquet a réagi en affichant sa lassitude sur Twitter. "Mais pourquoi doit-on perdre un temps précieux avec ça une fois de plus: bien sûr que oui, l’humain est allé sur la Lune pendant les missions Apollo. Et on va y retourner."
Mais si les arguments mis en avant par les personnes niant la réalité de l'alunissage du 20 juillet 1969 (drapeau qui flotte alors qu'il n'y a pas d'atmosphère, éclairage suspect, absence de cratère sous le module lunaire, pas d'étoiles dans le ciel...) ont tous été scientifiquement démontés, rien n'y fait. Et en Suisse, 11% de la population croit que les astronautes n'ont jamais marché sur la Lune, selon un sondage Sotomo en 2018.
Caryl Bussy
Enjeux scientifiques et géopolitiques
Cette première mission Artemis I est inhabitée. Elle doit servir à vérifier si tout fonctionne comme prévu, et en particulier si le bouclier thermique permettra à des astronautes de rentrer sur Terre de façon fiable. Si tout se passe bien, un vol habité Artemis II pourrait arriver d'ici deux ans. Et en 2025 ou 2026, une première femme pourrait marcher sur le pôle Sud de la Lune.
Mais même cinquante ans après le succès d'Apollo, l'envoi d'humains dans un environnement aussi hostile que celui de l'astre lunaire n'est pas une formalité. "Il a fallu presque réinventer le programme technologique pour aller sur la Lune", a souligné dans La Matinale de la RTS le 29 août le directeur général de la Cité de l'Espace à Toulouse, Jean-Baptiste Desbois.
À terme, la NASA veut installer une base lunaire de façon permanente au pôle Sud du satellite. Et plus largement, l'aboutissement de ce nouveau projet d'exploration est l'envoi d'une mission sur Mars d'ici la fin des années 2030. Car la Lune doit devenir un véritable "tremplin vers Mars", explique Jean-Baptiste Desbois.
"C'est pour ça que la Lune intéresse beaucoup actuellement la communauté scientifique et politique. Elle permettra de nous préparer, d'apprendre à apprivoiser un environnement hostile, puis de partir depuis la Lune vers Mars. C'est l'enjeu du futur. Mais là, on parle d'un horizon sur les 20 à 30 prochaines années", détaille-t-il.
Ce retour sur la Lune recèle aussi une dimension géopolitique. "Les Etats-Unis ne veulent pas se faire dépasser par la Chine", rappelle Jean-Baptiste Desbois.