Elle existe presque partout. L'intelligence artificielle (IA) va-t-elle aussi s’imposer, voire dominer le monde de l'art ? Dans notre quotidien hyper connecté, elle prend désormais de plus en plus de place dans la création artistique.
Musique, peinture, écriture ou photo, on la trouve partout. Dernier exemple en date, un ordinateur a gagné un concours d’art, au Colorado. L’artiste humain a imaginé une toile. Il a donné à l’ordinateur quelques mots-clés. Et c’est l’algorithme qui a fait tout le travail. L’homme, lui, repart avec un prix de 300 dollars.
Depuis la polémique enfle. Cet été, une autre histoire est venue nourrir ce débat. Celle de la première intelligence artificielle star de la musique, FN Meka. Le rappeur virtuel a été viré par sa maison de disque.
Appropriation des codes
On lui reproche d’avoir des paroles et des actes racistes. Un groupe d’activistes américains, Industry Blackout, a lancé une campagne sur les réseaux sociaux. Pour eux, ces chansons sont une insulte directe à la communauté noire et à sa culture. Ils dénoncent un amalgame de stéréotypes grossiers.
La voix est humaine, mais les paroles et la musique ont été créées par une intelligence artificielle. L’IA a analysé des centaines de chansons à succès pour produire son œuvre. Avant d’être dénoncé, il faisait un carton sur TikTok avec 10 millions d’abonnés.
Cette arrivée de l’intelligence artificielle sur le devant de la scène culturelle n’est qu’un début. Elle reproduit des tableaux de maître à l’identique. Elle écrit des romans ou crée des photos. Il n'y a plus de limites. Les outils pour doper la créativité des artistes sont omniprésents.
Béquille pour rappeur
Les intelligences artificielles vont même sur un terrain purement humain. L’instinct d’improvisation. Un logiciel permet de faire des freestyles de rap. Cela fonctionne un peu comme la proposition de mots pour les SMS.
Ici l’intelligence artificielle doit reconnaître leur sonorité et leur sens pour proposer immédiatement une suite à votre histoire. Une suite qui rime. Au fur et à mesure, des mots arrivent sur l’écran... un peu comme un souffleur au théâtre. La start-up BrainRap fait actuellement le tour des studios américains.
Ces outils sont devenus des incontournables pour la création. La programmation devient un passage obligé pour les artistes en herbe. "Nous avons des cours de programmation depuis plusieurs années, et même des cours d’électronique", explique Alexis Georgacopoulos, directeur de l'École cantonale d'art de Lausanne.
"Ce n’est pas donné à tout le monde. Mais ces compétences sont nécessaires dans des domaines comme le design interactif ou les nouvelles technologies". Les projets se multiplient.
L'IA s'alimente du travail des autres
Une quantité quasi infinie de châteaux d’eau générés par ordinateur ou la création d’une typographie numérique chinoise de 90'000 entrées, les étudiants testent l’intelligence artificielle comme un outil au service de l’artiste. Un outil changeant, complexe, mais un outil.
Avec le recours systématique à l’intelligence artificielle comme soutien à la création, une certaine uniformisation des œuvres est possible. "Il y a un risque, mais un risque mesuré", estime Nicolas Nova, sociologue à la Haute École d'Art et de Design de Genève.
"Si tout le monde utilise le même outil et fait la même chose, cela va se ressentir. On entend déjà ces critiques dans la musique. L’utilisation abusive d’un outil comme le vocodeur pousse le public à écouter d’autres choses. Les artistes vont trouver de nouveaux moyens d’utiliser, de détourner, de transformer ces outils. C’est une constante dans l’histoire des pratiques artistiques".
Pascal Wassmer